Le premier ministre Jean Charest a annoncé jeudi matin le lancement d'un plan intégré de soins aux personnes âgées. Le gouvernement consacrera 150 millions de dollars à l'amélioration des soins à domicile, à la création de places en CHSLD et en ressources intermédiaires.

«Depuis sept ans, le financement des soins à domicile a augmenté de 84% et s'élève à 500 millions par année, a déclaré M. Charest lors d'une conférence tenue à la Place des aînés, à Laval. Et là, on ajoute 150 millions pour cette année et 200 millions récurrents sur les prochaines années pour les services aux personnes âgées.» Cet argent sera principalement investi dans les régions de Laval, des Laurentides, de Lanaudière et de la Montérégie puisque la demande y est plus grande, a expliqué le ministre de la Santé, Yves Bolduc.

Pour l'opposition, cette annonce sent le réchauffé.

La porte-parole du Parti québécois en matière d'aînés, Lisette Lapointe, rappelle que le gouvernement avait promis, en 2008, de dégager 80 millions par année pendant 5 ans: «Seuls les premiers 80 millions ont été versés, a-t-elle souligné. Donc, avant d'être convaincue dans ce cas-ci, je vais voir ce qui va réellement être versé pour aider les aînés.»

Ajout de lits en CHSLD

L'argent consenti par Québec permettra notamment la création de 800 places en CHSLD, au coût de 50 millions. Le ministre Bolduc a expliqué que de nouveaux établissements seront fort probablement construits à Laval et en Montérégie, où la demande est élevée, mais non à Montréal. «Les besoins des régions diffèrent. C'est du cas par cas. Plusieurs ont besoin de plus de soins à domicile, mais pas de places en ressource intermédiaire ou en CHSLD.» Il a expliqué que le Québec devrait compter 2,8 lits en CHSLD par personne de 65 ans et plus alors que, à Montréal, on en compte 3,5.

L'Association québécoise des retraités des secteurs public et parapublic (AQRP) estime que ces 800 places en CHSLD sont nettement insuffisantes. Plus de 6000 personnes sont actuellement en attente d'une place, a-t-elle souligné; il faudrait donc au moins 5000 nouvelles places.

Le président du Conseil pour la protection des malades, Paul Brunet, ajoute qu'il y aura suffisamment d'investissements dans les CHSLD le jour où les employés «auront le temps d'amener tous les résidants qui le demandent aux toilettes plutôt que de leurs mettre des couches», ou le jour où «tous auront le temps de manger dans des conditions décentes».

Les RI aussi

M. Charest a également annoncé que 95 millions seront consacrés à l'ajout de 233 lits de convalescence et de 2680 lits en ressources intermédiaires. Ces établissements accueillent des personnes âgées en perte d'autonomie modérée.

La vice-présidente de l'Association des retraitées et retraités de l'éducation et des autres services publics du Québec (AREQ), Louise Charlebois, croit que le gouvernement aurait aussi dû prévoir de l'argent pour faciliter le processus d'obtention d'une place en ressource intermédiaire. «Présentement, obtenir une place est très compliqué, dit-elle. Les gens ne savent pas comment procéder. C'est lourd.»

Jean-Jacques Bérard, de l'Association québécoise de défense des droits des retraités (AQDR), estime quant à lui que, compte tenu des récents scandales qui ont démontré les déficiences du contrôle de qualité dans les ressources intermédiaires, le gouvernement aurait dû y resserrer les mesures de contrôle plutôt que de simplement y augmenter le nombre de places.

Priorité aux soins à domicile

Selon la ministre déléguée aux services sociaux, Dominique Vien, «la pierre angulaire» du plan intégré de soins aux aînés reste les soins à domicile. Les 50 millions consentis à ce chapitre permettront de desservir 15 000 citoyens de plus. De cette somme, 5 millions seront versés aux entreprises d'économie sociale en soutien à domicile (EESAD). Plus d'une centaine de ces entreprises, actuellement, offrent des services de ménage, de préparation de repas et d'accompagnement aux rendez-vous médicaux à plus de 75 000 personnes âgées au Québec.

La présidente de la Fédération des coopératives de services à domicile et de santé, Marie-Claude Gasse, explique que l'annonce du gouvernement n'est pas si réjouissante puisque, en 2008, Québec avait retiré 3,5 millions aux EESAD. «On nous a enlevé 3,5 millions pour nous en redonner 5 aujourd'hui. J'espère que c'est un premier pas pour mieux nous intégrer dans le réseau. Mais, dans les faits, on aurait besoin de 25 millions pour offrir des services optimaux à tous», a-t-elle dit.

Comme plusieurs des intervenants interrogés, la directrice générale de l'Association québécoise des établissements de santé et de services sociaux (AQESSS), Lise Denis, a bien accueilli l'annonce mais exprime quelques réserves: «Il faudra voir comment ça va s'articuler. On manque déjà de personnel en soins à domicile. Il faudra vraiment tout réorganiser pour être en mesure d'offrir plus de soins.» Le ministre Bolduc a reconnu que les soins à domicile doivent être «développés progressivement pour aller chercher les ressources humaines». «Mais on peut le faire. Il faut aussi réorganiser les services offerts.»