L'Ordre des pharmaciens du Québec a dévoilé publiquement lundi les demandes qu'il a faites au gouvernement dans l'espoir d'obtenir des pouvoirs accrus auprès des patients.



Les pharmaciens veulent pouvoir ajuster les ordonnances ou les prolonger, amorcer le traitement de problèmes de santé mineurs, administrer une vingtaine de médicaments, par exemple pour certaines infections, demander et analyser des tests en laboratoire et administrer des vaccins.

À Québec, le ministre de la Santé, Yves Bolduc, s'est dit «ouvert» aux demandes des pharmaciens. Il s'engage même à avoir des «discussions robustes» avec les regroupements de médecins. Le Parti québécois et l'ADQ se sont aussi montrés favorables à ces changements. Mais il en va tout autrement du Collège des médecins et de la Fédération des médecins omnipraticiens (FMOQ), qui, sans fermer la porte à l'idée que les pharmaciens puissent renouveler des ordonnances ou ajuster le dosage des médicaments, préviennent qu'il y a une différence entre servir et prescrire des médicaments.

La présidente de l'Ordre des pharmaciens, Diane Lamarre, explique que, dans le contexte où environ une personne sur quatre n'a pas de médecin, ces pouvoirs accrus représentent une solution pour soulager le réseau de la santé. «Actuellement, les pharmaciens se sentent impuissants. On pourrait aider les patients, le faire mieux, mais on n'a pas le droit. Ça nous semble inconcevable, c'est dépassé.» Elle affirme que le Québec est en retard par rapport aux autres provinces, notamment la Saskatchewan, très avancée en la matière.

L'Ordre des pharmaciens a profité du point de presse, lundi, pour dévoiler des vidéos qui seront diffusées à l'appui de sa campagne. Dans trois scénarios, on y voit des pharmaciens désemparés parce qu'ils ne peuvent pas renouveler un médicament pour l'hypertension artérielle, donner des antibiotiques à une patiente atteinte d'une infection urinaire ou ajuster le dosage d'un analgésique.

Le président du Conseil pour la protection des malades, Paul Brunet, a donné son appui aux pharmaciens, car il estime que c'est une solution pour améliorer l'accès au système de la santé. Philippe Desmarais, pharmacien propriétaire, a pour sa part affirmé qu'il reçoit entre cinq et dix demandes de renouvellement par jour. «Chaque fois, je dois envoyer une demande au médecin par télécopieur ou par téléphone, dit-il. C'est une perte de temps.»

Conflit d'intérêts?

Après presque trois ans de statu quo, le Collège des médecins du Québec a de nouveau ouvert la porte à des discussions avec les pharmaciens en janvier dernier. Dès la première rencontre, l'Ordre a présenté ses demandes en cinq points. Le président du Collège, le Dr Charles Bernard, explique que les demandes sont à l'étude, qu'il y a une ouverture pour le renouvellement et l'ajustement des médicaments, mais il prévient qu'il ne faut pas s'emballer.

«Il faut faire attention à l'autodiagnostic, dit-il. Par exemple, quand on examine un patient qui se plaint d'hémorroïdes, on se rend compte une fois sur deux que c'est autre chose. Il arrive que ce soit une tumeur au rectum. Dans le cas des conjonctivites, ce n'est pas toujours bactérien. Quant aux infections urinaires, bien souvent, ça nécessite une culture avant de poser un diagnostic.»

Le président de la FMOQ, le Dr Louis Godin, rappelle qu'il y a une différence entre «servir un médicament et le prescrire»: «Il y a de cela plusieurs années, on a dit aux médecins qu'ils ne pouvaient pas vendre et prescrire des médicaments. On a crié au conflit d'intérêts. Si ce que les pharmaciens veulent faire n'est pas du conflit d'intérêts, je me demande pourquoi je ne pourrais pas le faire pour la vingtaine de médicaments dont il est question. Et tant qu'à ça, pendant que je vais prescrire, je vais aussi vendre des produits naturels et homéopathiques, même des produits contestés contre la perte de cheveux.»

À ce sujet, l'Ordre des pharmaciens soutient que le système est informatisé et qu'il y a donc une forme de contrôle. Quant aux coûts supplémentaires qui seraient liés à l'acte des pharmaciens, la présidente, Mme Lamarre, estime qu'il y a «un travail à faire, mais que la facturation pourrait être ajustée à l'intérieur du système». Les associations qui représentent les infirmières se sont déjà prononcées contre l'idée de permettre la vaccination en pharmacie.