Le département de pathologie du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) manque cruellement d'effectif technique et clérical. À un point tel que les patients y attendent trop longtemps avant d'obtenir un diagnostic.

Dans une lettre envoyée au début du mois à la direction de l'établissement et que La Presse a obtenue, les pathologistes du CHUM qualifient leurs conditions de travail de «dangereuses et totalement dysfonctionnelles» et réclament l'embauche de plus de personnel. Selon le président de l'Association des pathologistes du Québec, le Dr Louis Gaboury, la situation vécue au CHUM touche tous les hôpitaux de la province et entraîne des délais inacceptables pour les patients québécois.

«L'insuffisance chronique de support clérical et technique se fait sentir de façon de plus en plus aiguë», écrivent les pathologistes du CHUM dans la lettre datée du 11 mars. Ils expliquent que le nombre de techniciens, qui préparent les échantillons de biopsie qui sont ensuite analysés par les pathologistes, est dangereusement insuffisant.

Puisque les techniciens ne sont pas assez nombreux, «ces spécimens passent ainsi de deux à trois semaines dans le formol avant de pouvoir être techniqués et analysés par le pathologiste», peut-on lire dans la lettre. Selon les signataires, ces délais prolongés «affectent grandement la fiabilité des résultats». «Les pathologistes sont ainsi exposés à un risque potentiel d'erreurs», écrit-on.

Les pathologistes du CHUM jugent paradoxal que les échantillons de sang et d'urine soient analysés en quelques heures, alors qu'on met bien plus de temps à traiter les biopsies. Des patients attendent des semaines avant d'avoir leur diagnostic.

En plus du manque de techniciens, les secrétaires sont en nombre insuffisant et les rapports tardent à être produits, ce qui repousse encore un peu plus la divulgation du diagnostic au patient, dénoncent les pathologistes du CHUM. «Le personnel cadre semble incapable de remédier à la situation en raison des contraintes budgétaires, écrit-on. Nous n'avons d'autre recours que de nous adresser à vous pour nous dégager de toute responsabilité face à des incidents qui pourraient éventuellement survenir si aucune mesure concrète n'est rapidement mise sur pied afin de corriger la situation.»

Problème répandu

Le Dr Gaboury est au courant de la situation vécue au CHUM. Il affirme qu'elle est la même dans plusieurs hôpitaux du Québec. «Le travail en laboratoire est un travail "à la chaîne". S'il y a des délais à un endroit, tout stagne. Il faut tout faire pour réduire ces délais», dit-il.

Le Dr Gaboury estime que les administrateurs des hôpitaux devraient en faire davantage pour engager plus de personnel et couvrir les absences lorsqu'un employé ne se présente pas.

«On est inquiets. On ne nous donne pas les outils nécessaires pour faire notre travail en temps adéquat. Aux États-Unis, on remet des rapports deux jours après avoir reçu les échantillons. Ici, c'est impossible», déplore le Dr Gaboury. Selon lui, une récente évaluation a permis de voir que des patientes atteintes du cancer du sein et attendant leurs résultats de biopsie pour connaître leur traitement patientent souvent huit semaines avant d'obtenir leurs résultats. «C'est trop long. Les médecins cliniciens qui soignent ces patientes sont fâchés et on les comprend», dit-il.

Le chef du service de pathologie au CHUM, le Dr Luc Laurier Oligny, reconnaît vivre une pénurie de techniciens. «Le problème est complexe. On tente de trouver des solutions. Mais tous les hôpitaux du Québec fonctionnent avec des effectifs réduits. Il y a pénurie de techniciens et on ne peut donc pas pourvoir aux postes vacants facilement», explique-t-il.

Des discussions sont actuellement en cours entre l'Association des pathologistes et l'Ordre professionnel des technologistes médicaux du Québec pour tenter de trouver des solutions.