Les services continuent de laisser à désirer à la résidence pour aînés Villa Sainte-Anne, à Lachine. À la suite d'un article publié dans La Presse en février et révélant les mauvais traitements reçus par les 40 résidants de cet établissement, le ministère de la Santé et des Services sociaux avait ouvert une enquête. Mais la situation est toujours intenable dans cette ressource, a appris La Presse.

Dans ce qui semble être une escalade de représailles, la directrice de l'établissement a expulsé une résidante, vendredi dernier.

La mère de Jean R. habite à la Villa Sainte-Anne depuis son ouverture il y a deux ans. Cet établissement est une ressource intermédiaire hébergeant des personnes âgées en perte d'autonomie modérée. Un contrat de 10 ans s'apparentant à un partenariat public-privé lie la Villa Sainte-Anne au centre de santé et de services sociaux (CSSS) Dorval-Lachine-LaSalle.

Dans notre première enquête menée au mois de février, il était mentionné que la Villa Sainte-Anne servait à répétition du pâté chinois et des croquettes de poulet aux résidants. Que les préposées aux bénéficiaires ne parlaient pas toutes français. Que le roulement de personnel était effarant. Le ministère de la Santé avait demandé à la commissaire locale aux plaintes du CSSS d'ouvrir une enquête.

Mais depuis, la situation ne s'est pas améliorée, selon plusieurs proches de gens hébergés qui préfèrent garder l'anonymat par peur de représailles. Des draps souillés sont parfois distribués dans les chambres. Des résidants ne sont pas lavés la fin de semaine.

Jean R. dit quant à lui subir d'importantes représailles. Selon lui, la directrice de l'établissement, Sarata Maiga, a regardé les vidéos de surveillance et a réalisé que c'est lui qui a fait visiter la Villa Sainte-Anne à La Presse en février. «Elle ne l'a pas digéré. Elle m'a dit qu'elle le savait. Depuis, elle nous fait vivre l'enfer», relate-t-il.

Dans les jours suivant la parution de l'article de La Presse, la directrice aurait demandé de reloger Mme R. dans un centre d'hébergement et de soins de longue durée (CHSLD).

Or, ces établissements ne peuvent accueillir que des personnes âgées demandant plus de trois heures de soins par jour. Mme R. n'en nécessite que 2,5. «Comment justifier son expulsion si ce n'est que pour la chasser?» demande son fils.

Au même moment, Mme R. a commencé à avoir des problèmes de comportement, selon la Villa Sainte-Anne. Souffrant de démence, elle a bouché le drain de la toilette avec du papier hygiénique. «J'ai reçu une lettre me demandant de payer pour déboucher la toilette», déplore Jean R.

Le président de l'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées (AQDR), Louis Plamondon, estime que cette demande de paiement est abusive. «Les ressources intermédiaires ont le mandat de s'occuper de personnes démentes. Combien de familles sont menacées de facturation indue parce que la Villa Sainte-Anne est incapable de faire son travail? Une intervention urgente est nécessaire. Cet établissement est visiblement dysfonctionnel», juge M. Plamondon.

Résidante expulsée

Jeudi soir dernier, estimant que Mme R. était trop agitée, la Villa Sainte-Anne l'a fait hospitaliser. Après que Mme R. eut reçu un diagnostic d'infection urinaire, la Villa Sainte-Anne a refusé de la reprendre. «La directrice est super agressive avec moi. J'ai accepté que ma mère soit placée ailleurs. On lui a trouvé une place temporaire au CHSLD de Lachine», raconte Jean R.

D'autres proches de résidants habitant à la Villa Sainte-Anne soulignent que la directrice de l'établissement est «agressive». Surtout verbalement. La proche d'une résidante dit avoir envoyé plusieurs plaintes à ce sujet au CSSS. Mais toutes sont restées sans réponse. «Où sont allées ces plaintes? On fait tout pour protéger cette résidence», dénonce-t-elle.

Responsable du secteur des établissements privés et communautaire à la CSN, Yves Lévesque dénonce que la Villa Sainte-Anne ne respecte pas le contrat la liant au CSSS Dorval-Lachine-LaSalle. «La Villa doit respecter le code d'éthique, qui dit que les représailles sont interdites. En fait, si on regarde le contrat, on voit qu'il y a une salade de fruits de critères non respectés! Ça sert à quoi de faire un contrat s'il n'est pas respecté? Le CSSS doit intervenir», dit-il.

La porte-parole du CSSS Dorval-Lachine-LaSalle, Karine Lacerte, n'a pas pu commenter le cas de Mme R. puisque les dossiers sont confidentiels. Elle assure que la commissaire locale aux plaintes mène son enquête. Mais le CSSS attend les conclusions finales avant d'intervenir afin de s'assurer de «bien faire les choses».

M. Plamondon croit au contraire que les nombreux faits révélés nécessitent une intervention d'urgence. «Il y a un contexte d'oppression dans cette résidence et c'est scandaleux», dit-il. Le dossier de Mme R. est si troublant que l'AQDR compte intenter une poursuite judiciaire contre le CSSS Dorval-Lachine-Lasalle, qui a «failli à ses devoirs de protéger les aînés vulnérables».