Pour éviter que des personnes âgées ne meurent ébouillantées dans leur bain, Québec veut obliger tous les établissements hébergeant des aînés à installer des dispositifs pour limiter la température de l'eau à un maximum de 43 °C, a appris La Presse. Actuellement, cette limite est fixée à 49 °C. Les Centres d'hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) de même que les résidences privées pour aînés seraient assujettis à cette nouvelle règle.

En août 2010, la coroner Catherine Rudel-Tessier a dénoncé le fait que 15 personnes âgées étaient mortes ébouillantées entre 2000 et 2009. La coroner pressait le gouvernement d'adopter des règles pour contrôler la température de l'eau.

Alors que la Régie du bâtiment précise que tout nouveau bâtiment doit limiter la température de l'eau à 49°C, la coroner estimait qu'une limite entre 38 à 40°C serait préférable dans les CHSLD et les résidences pour aînés.

Le gouvernement a mis sur pied un groupe de travail, où siège notamment la Régie du bâtiment du Québec. Dans une lettre signée par la Régie et obtenue par l'Association québécoise des retraités des secteurs public et parapublic (AQRP), on indique que le groupe a déjà conclu que la température maximale dans les établissements hébergeant des clientèles vulnérables devrait être de 43 °C.

«Ces exigences d'installation pourraient s'appliquer aux nouveaux appareils dans toutes les résidences pour personnes âgées, puisque les coûts impliqués demeurent relativement bas», est-il écrit dans la lettre. Pour la présidente de l'AQRP, Madeleine Michaud, il s'agit d'une «excellente nouvelle». «Depuis 2001, au moins 15 personnes âgées sont mortes à cause de la température de l'eau. Si on peut prévenir ça en fixant des règles, tant mieux!», dit-elle. À la Régie du bâtiment, on refuse de confirmer la nouvelle et mentionne qu'il s'agit seulement «d'une des options envisagées».

Deux plaintes au criminel contre un CHSLD

Par ailleurs, deux plaintes criminelles viennent d'être déposées contre le Manoir-de-l'Ouest-de-l'Île, un CHSLD de Pierrefonds où deux personnes âgées sont mortes ébouillantées dans leur bain au cours des dernières années.

Une des victimes, Willard Wilson, 94 ans, est mort le 9 janvier 2009. Une enquête du coroner a déterminé que quelques jours plus tôt, M. Wilson était tombé dans sa baignoire et avait accroché le robinet d'eau chaude en tentant de se relever. Il aurait ainsi été gravement ébouillanté et aurait succombé à ces blessures.

Le fil de M. Wilson, Éric, n'accepte pas que le CHSLD n'ait pas réussi à protéger son père. «Il y a beaucoup d'employés du CHSLD qui sont très généreux. Eux, je ne leur reproche rien. Mais je n'accepte pas ce qui est arrivé et je vais me battre pour éviter que ça arrive à d'autres», dit Éric Wilson.

L'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées (AQDR) appuie la famille Wilson dans ses démarches. Selon le président de l'organisme, Louis Plamondon, il est clair qu'il y a eu «négligence criminelle» dans le décès de M. Wilson.

M. Plamondon rappelle que 70 personnes âgées meurent chaque année des suites de négligence. «Et on ne fait jamais de plainte au criminel, critique-t-il. Pourtant, si c'était un enfant qui mourrait à la suite de négligence, il y aurait plainte au criminel [...] La mort des aînés est banalisée. Il faut que ça cesse.»

L'AQDR dépose également une seconde plainte criminelle dans le dossier de Simonne St-Denis. Cette femme avait été retrouvée ébouillantée dans sa baignoire à minuit le soir au Manoir-de-l'Ouest-de-l'Île en juin 2007. «Cette femme avait des problèmes cognitifs. Qu'est-ce qu'elle faisait seule dans un bain à minuit? C'est certain qu'il y a eu négligence dans ce dossier», dit M. Plamondon.

C'est la deuxième fois en quelques mois qu'une plainte criminelle est déposée contre un établissement hébergeant des aînés. En janvier dernier, l'AQDR avait déposé une plainte contre la résidence du parc Jarry à Montréal. Maurice Gibeau, 84 ans, avait tenté d'appeler à l'aide dans la nuit du 12 au 13 décembre 2009 alors qu'il était en détresse. Le préposé de garde, qui avait débranché les sonnettes d'alarme, n'avait pu le secourir à temps. L'enquête policière suit son cours dans ce dossier.