Près de 50 médecins ont adressé une lettre à Stephen Harper hier pour lui demander de soutenir l'inscription de l'amiante chrysotile sur la liste des produits dangereux de la convention de Rotterdam lors de la prochaine réunion des pays signataires, qui s'ouvrira lundi prochain à Genève. Depuis la ratification de la convention de Rotterdam en 2004, le Canada s'est toujours opposé à l'ajout de l'amiante chrysotile comme produit dangereux.

Signée par des médecins québécois issus de la médecine communautaire, de la médecine du travail ou de la santé publique, la lettre rappelle que l'amiante chrysotile fait l'objet d'un consensus parmi les scientifiques québécois et canadiens. «Dans ses utilisations actuelles, l'amiante chrysotile est une substance dangereuse qui entraîne un trop grand fardeau de maladies comme l'amiantose, le cancer du poumon ou de la plèvre», peut-on lire. «Pourquoi le Canada s'opposerait-il à ce que les pays importateurs de chrysotile aient en main toutes les informations pertinentes pour prendre leur décision?», demandent les scientifiques.

Le Canada, qui prône l'utilisation sécuritaire de l'amiante chrysotile, devrait accepter de donner plus d'information aux pays importateurs d'amiante. «On peut toujours dire qu'il y a une guerre d'opinion entre ceux qui croient encore à l'utilisation sécuritaire et les autres, mais on ne voit pas pourquoi les pays importateurs ne pourraient pas avoir l'information sur l'utilisation de l'amiante chrysotile, et choisir ensuite de l'utiliser en toute connaissance de cause», explique Pierre Deshaies, professeur de clinique à la faculté de médecine de l'Université Laval.

De nouvelles voix s'élèvent contre l'industrie de l'amiante -la CSN s'est ainsi prononcée récemment contre le projet de réouverture de la mine Jeffrey, à Asbestos-, toutefois les scientifiques ne demandent pas l'interdiction, mais seulement son ajout à la liste des produits dangereux. «Là, on ne dit pas de ne pas exporter, on dit seulement informons les gens correctement», précise-t-il. Toutes les autres formes d'amiante sont déjà listées.

Hier, le NPD a ressorti une recommandation formulée par Santé Canada en 2006 sur les dangers de l'amiante, et dans laquelle le ministère sous-entend que le gouvernement conservateur ne suit pas les recommandations de ses propres experts au sujet de l'amiante chrysotile. Le député néo-démocrate Pat Martin a affirmé à Ottawa que le rapport de Santé Canada «demande clairement au gouvernement» d'inclure l'amiante à la liste des substances dangereuses de la Convention de Rotterdam. L'opposition officielle demandera ce matin à Ottawa d'ajouter l'amiante chrysotile à la liste des produits dangereux.

Malgré tout, l'industrie de l'amiante bénéficie encore du soutien du gouvernement provincial, qui a annoncé en avril dernier qu'il accordait une garantie de prêts de 58 millions de dollars pour la réouverture de la mine Jeffrey. Le lieutenant du parti conservateur au Québec, Christian Paradis, député de Thetford Mines, a aussi promis, lors de la dernière campagne électorale, qu'il continuerait à s'opposer à l'inscription de l'amiante chrysotile à la liste des produits dangereux. De son côté, M. Harper a répété que l'utilisation de l'amiante «dans des conditions contrôlées et sécuritaires» était «autorisée internationalement», sans toutefois mentionner les efforts déployés au pays afin de bloquer l'inclusion de ce minerai de la Convention de Rotterdam.