Une autre possible bavure touchant le diagnostic et le traitement d'un cancer se transporte devant les tribunaux. Cette fois, la patiente, dont les jours sont comptés, ne sera peut-être même plus en vie quand le jugement tombera.

Accompagnée de Me Jean-Pierre Ménard, avocat spécialisé dans les causes en responsabilité médicale, Nicole Valcourt, 55 ans, a raconté jeudi en point de presse, comment son cancer de l'utérus a dégénéré pour aujourd'hui s'étendre au foie et au système intestinal. Elle a expliqué qu'il s'est écoulé cinq mois entre sa première visite à l'hôpital pour un mal de ventre et l'opération pour enlever les métastases. Aujourd'hui, il est trop tard pour l'opérer de nouveau.

«Durant cette période, le cancer, qui était au stade 2, avec un taux de survie de 80%, est passé au stade 4, avec des métastases inopérables, a expliqué Me Ménard. Les délais médicalement acceptables pour une opération, à l'époque de son premier diagnostic (2009), étaient de quatre à six semaines, mais il s'est écoulé cinq mois. Mme Valcourt a été victime de la lourdeur du système de santé, un système qui fonctionne en silo.»

En plus de la poursuite de 670 000$ contre l'hôpital Notre-Dame du CHUM, le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) et le Centre de santé et des services sociaux Dorval-Lachine-LaSalle, Mme Valcourt veut mettre en lumière les lacunes du système de santé. Selon Me Ménard, au moins 120 patients du CHUM, comme Mme Valcourt, ont été victimes de «délais inacceptables» pouvant mener à des recours judiciaires.

Me Ménard fait référence aux déclarations de l'oncologue Philippe Sauthier, qui, dans un article paru dans La Presse en novembre 2010, avait déploré le fait qu'il devait reporter une dizaine d'interventions chaque semaine faute de salle d'opération. Depuis, certaines mesures ont été prises pour permettre aux quatre oncologues du CHUM d'opérer sur une base régulière, mais aucun plan n'a été dévoilé publiquement.

«Mais ce n'est pas assez, estime Me Ménard. Il faut une véritable stratégie de lutte contre le cancer. Actuellement, il n'y a pas de structure de lutte coordonnée. Un cas, c'est trop. On devrait appliquer la tolérance zéro.»

Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, a déploré le cas de Mme Valcourt. Mais il estime qu'il faut être prudent, qu'il s'agit d'un cas particulier qui n'est pas représentatif de ce qui se fait dans le réseau de la santé en matière de cancer. Dans son dernier discours inaugural, le ministre Bolduc a d'ailleurs fait du cancer sa priorité. Peu de temps après, il a annoncé le déploiement progressif d'un registre national du cancer et d'un programme de dépistage du cancer colorectal.

À la Coalition priorité cancer au Québec, on estime que le cas de Nicole Valcourt illustre «l'organisation désorganisée» de la lutte contre le cancer. «Dans les années 70, j'obtenais souvent les résultats des biopsies le lendemain, affirme le Dr Pierre Audet-Lapointe, président de la coalition. Mais la situation a commencé à se dégrader au milieu des années 90. On a l'impression que le patient n'est plus au centre du réseau. On a une direction québécoise du cancer, mais elle n'a pas de comptes à rendre. Il faut s'inspirer de ce qui se fait en France, où l'on a créé un "cancéropôle", où les efforts sont concertés, même dans le domaine de la recherche.»

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LE CANCER EN CHIFFRES

Chaque année, 50 000 Québécois apprennent qu'ils sont atteints d'un cancer, l'équivalent du nombre de sièges au Stade olympique de Montréal. De ce nombre, 20 000 personnes en mourront, l'équivalent du Centre Bell.