Les victimes d'accidents de la route de 45 ans et moins qui se retrouvent dans un état grave aux soins intensifs sont-ils parfois «débranchés» trop rapidement? La question mérite d'être posée à la suite de la parution, hier, d'une étude montrant que le taux de mortalité des victimes de traumatismes craniocérébraux graves varie grandement d'un hôpital à l'autre.

Dans la recherche publiée dans le Journal de l'Association médicale canadienne, une équipe de chercheurs menée par l'intensiviste Alexis Turgeon, qui exerce à l'Hôpital de l'Enfant-Jésus à Québec, démontre que les taux de mortalité varient de 11% à 44% chez les patients victimes de traumatismes craniocérébraux, selon l'établissement dans lequel ils sont soignés.

Surpris par ces résultats, le Dr Turgeon estime que ces importantes différences sont causées par la vitesse à laquelle les médecins décident de mettre fin au maintien artificiel des fonctions vitales des patients.

Dans son étude, la première du genre à être menée dans le monde, le Dr Turgeon invite ses collègues à la prudence et suggère fortement de ne pas mettre fin au maintien artificiel des fonctions vitales des patients dans les premiers jours de leur admission.

Pour mener son étude, le Dr Turgeon a analysé les dossiers de 720 patients provenant de six centres de soins tertiaires au Québec et au Canada. L'Hôpital de l'Enfant-Jésus, à Québec, et l'Hôpital du Sacré-Coeur, à Montréal, ont entre autres participé à l'étude.

Les patients analysés étaient tous des victimes de traumatismes craniocérébraux. Ce type de blessure est la principale cause de décès et d'invalidité chez les patients âgés de 45 ans et moins. La majorité de ces personnes avaient subi un traumatisme à la suite d'un accident de la route (57%) ou d'une chute (31%).

Selon les résultats, les taux de mortalité dans les six établissements varient de 11% à 44%, un écart majeur.

Le Dr Turgeon a surtout été surpris de noter que, parmi les décès attribuables à l'arrêt du maintien artificiel de la vie, la moitié était survenue dans les trois premiers jours de l'hospitalisation. «C'est rapide. Mais quel est le temps optimal avant de pouvoir prendre une décision? On ne sait pas», reconnaît-il.

Décision difficile

Quand vient le temps de décider de mettre fin ou non au maintien artificiel d'un patient, les intensivistes consultent les familles. «Dans le cas de ces patients, qui sont jeunes, il n'y a généralement aucune directive sur la façon dont ils veulent finir leur vie», explique le Dr Turgeon. La décision est donc laissée au médecin et à la famille.

«Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte, comme les croyances, les valeurs et la religion. Mais, surtout, on essaie de déterminer l'état de santé à long terme des patients; on essaie toujours de faire le mieux pour eux. Mais les pratiques varient sur la façon dont on évalue l'avenir de ces patients», note le Dr Turgeon.

Selon lui, l'étude montre justement que les outils pour établir ces diagnostics à long terme doivent être améliorés. «Il faudrait aussi tenter d'uniformiser nos pratiques», dit-il.

Volontairement, les chercheurs n'ont pas cité les noms des hôpitaux dans leur étude. Il est donc impossible de savoir où les taux de mortalité sont les plus élevés. «On ne voulait pas dire qui était bon et qui était mauvais, affirme le Dr Turgeon pour justifier cet état de fait. Parce qu'un centre peut avoir un faible taux de mortalité, mais avoir beaucoup de patients qui survivent dans des conditions très difficiles.»