Au moins trois chercheurs du Comité sur l'immunisation du Québec (CIQ) qui ont émis un avis favorable à la vaccination contre le virus du papillome humain (VPH) et qui ont amené le gouvernement à instaurer un programme national de vaccination ont déjà été financés par les fabricants des vaccins, a constaté La Presse.

L'une des deux personnes ayant rédigé l'avis du CIQ, la Dre Chantal Sauvageau, a dit en décembre 2010 dans le journal BMC Public Health qu'elle avait reçu des bourses de recherches et des remboursements de frais de voyage des compagnies GlaxoSmithKline et Merck Frosst, entre autres.

Merck Frosst produit le vaccin Gardasil et GlaxoSmithKline, le Cervarix. Ces deux vaccins contre le VPH sont remboursés par Québec.

Membre actif du CIQ, Philippe de Wals disait, dans un article publié en août 2007 dans le Journal de l'Association médicale canadienne, qu'il avaitreçu des bourses de recherche, des remboursements de frais de voyage et des honoraires de conférencier de différents fabricants de vaccins, dont GlaxoSmithKline et Merck Frosst.

Cité comme un collaborateur du CIQ, le Dr François Coutlée a quant à lui déjà reçu des honoraires de consultations de Merck Frosst et une bourse de recherche de la même entreprise, disait-il dans un article publié en octobre 2007 dans le New England Journal of Medicine.

Hier, La Presse a révélé que le médecin-conseil faisant la promotion du vaccin contre le VPH dans la campagne publicitaire du ministère de la Santé, lancée lundi, avait aussi déjà reçu des subventions des compagnies produisant les vaccins.

Pas des cas isolés

Selon le directeur scientifique de l'Institut national de santé publique du Québec (INSOPQ), Marc Dionne, plusieurs membres du CIQ ont déjà reçu des subventions d'entreprises pharmaceutiques. «On a peu de chercheurs au Québec. On se retrouve souvent avec des gens qui reçoivent des subventions de l'industrie pharmaceutique pour mener des essais cliniques ou pour faire des études épidémiologiques. Le gouvernement n'est pas assez riche pour développer de nouveaux produits et les tester. C'est laissé au privé», dit-il.

Parfois, les chercheurs prenant part aux comités d'experts de l'INPSPQ reçoivent des honoraires de conférenciers. «Cet aspect est surveillé de plus près», reconnaît M. Dionne. Le Collège des médecins a déjà donné une directive exigeant des médecins qui prononcent des conférences en étant payés par des pharmaceutiques qu'ils le fassent en toute indépendance. «On ne veut pas de quelqu'un qui ne fait, par exemple, que la promotion d'un produit en particulier», note M. Dionne. Ce dernier assure que les médecins fautifs sont renvoyés. Au cours des 12 dernières années, un seul médecin a été démis de ses fonctions pour cette raison.

Au ministère de la Santé, on explique que le CIQ a publié un avis sur la vaccination contre le VPH, mais que la décision finale a été prise par le directeur national de la santé publique et le ministre de la Santé.

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CONFLIT D'INTÉRÊTS?

En août 2007, la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC) a adopté des directives cliniques sur le VPH. La vaccination des filles de 9 à 26 ans y était recommandée. Le document est signé par 14 personnes, dont le Dr Marc Steben. Or, dans différents documents, ont apprend que le Dr Steben a été maintes fois rémunéré par Merck Frosst, entre autres. Dans un article publié en 2008, dans le journal Le médecin de famille canadien, il disait être «chercheur pour le compte de Gardasil» et disait faire partie «d'un comité de publication et d'un bureau de conférenciers internationaux de Merck». La publication des directives elle-même avait été «soutenue au moyen de subventions à l'éducation sans restrictions» de la part notamment de GlaxoSmithKline et de Merck Frosst Canada Inc. La SOGC n'a pas rappelé La Presse.