Au moins un institut psychiatrique ouvrira ses portes à Montréal d'ici quelques mois, a appris La Presse. L'établissement occupera l'actuel CHSLD Louvain, où logent 155 patients âgés.

Chef des services psychiatriques du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), le Dr Paul L'Espérance se réjouit de cette décision. Selon lui, plusieurs malades mentaux sont incapables de fonctionner dans la société et, pour eux, la vie en institut est la meilleure solution.

Depuis la désinstitutionnalisation, il y a 40 ans, les gens atteints de troubles mentaux ont progressivement été libérés des asiles pour être traités dans la communauté. Mais, selon le Dr L'Espérance, certaines personnes sont réfractaires à toute tentative de réadaptation.

Avec deux de ses collègues des hôpitaux Louis-H.-LaFontaine et Maisonneuve-Rosemont, le Dr L'Espérance avait réclamé, en janvier, la création d'un centre d'hébergement en santé mentale. À l'époque, le ministère de la Santé avait rejeté cette idée d'un revers de main. Il s'est aujourd'hui ravisé.

Selon le Dr L'Espérance, deux CHSLD deviendront des centres d'hébergement en santé mentale à Montréal. Outre le CHSLD Louvain, un autre établissement, dans l'Ouest-de-l'Île, accueillerait la clientèle anglophone, mais pas avant plusieurs mois.

Au départ, l'objectif de l'agence de la santé et des services sociaux était d'accueillir les premiers patients dès le mois de décembre prochain, selon le Dr L'Espérance, qui estime que «c'est très vite».

Mais selon lui, l'Agence n'aura aucune difficulté à trouver une clientèle pour ces établissements. «Si toutes les places du CHSLD Louvain étaient disponibles dès aujourd'hui, elles pourraient se remplir du jour au lendemain», assure-t-il. Il en veut pour preuve le fait que 12 des 56 lits de l'aile psychiatrique du CHUM sont occupés par des patients qui rechutent sans cesse et qui seraient bien mieux dans un centre de soins spécialisé en santé mentale.

«Ce sera une bouffée d'air frais pour nous. On peut dire qu'un tabou a été brisé. On ne revient pas aux asiles d'autrefois, mais on offre un service important», dit le Dr L'Espérance.

Dure transition

L'agence de la santé et des services sociaux de Montréal confirme qu'un «projet sérieux» de centre de soins de longue durée pour les personnes «ayant des problèmes de santé mentale persistants» est en branle. «Il est reconnu qu'il y a actuellement des besoins pour cette clientèle», écrit la porte-parole de l'Agence, Geneviève Bettez.

Mme Bettez assure toutefois que les 155 patients âgés du CHSLD Louvain n'auront pas à déménager. «Les nouveaux patients arriveront progressivement au CHSLD», dit-elle.

La porte-parole du CSSS Ahuntsic-Montréal-Nord, Isabelle Gagné, souligne que la transition est un «grand défi». «On doit envisager des travaux pour accueillir la nouvelle clientèle. En même temps, on doit s'occuper de la clientèle actuelle», résume-t-elle. La formation à offrir aux intervenants doit aussi être déterminée.

Aînés négligés

Quand l'ensemble du CHSLD Louvain sera consacré aux patients psychiatriques, il y aura donc 155 places de moins pour les aînés dans la métropole. Or, l'attente est déjà longue. En 2010, 6000 personnes âgées attendaient d'obtenir une place en CHSLD à Montréal.

Le directeur général du Regroupement provincial des comités d'usagers, Pierre Blain, juge qu'il est pertinent d'ouvrir des places d'hébergement en santé mentale puisque «la demande est là». «Mais on ne peut pas déshabiller les CHSLD pour faire ça. On a aboli 2500 places dans les CHSLD dans les dernières années. On ne doit pas en enlever davantage», plaide-t-il.

La présidente de l'Association québécoise des retraités des secteurs public et parapublic, Madeleine Michaud, juge «aberrant» qu'un CHSLD soit ainsi transformé. «On n'a rien contre la clientèle de santé mentale. Mais qu'on construise un établissement pour eux», dit-elle.