La protectrice du citoyen, Raymonde Saint-Germain, dénonce des «coupes importantes» et de plus en plus fréquentes dans les soins à domicile. Le gouvernement a annoncé des investissements supplémentaires mais, dans les faits, ces sommes sont parfois «réorientées» à des fins de «compressions budgétaires ou pour éponger des déficits ailleurs», constate-t-elle.



Dans son rapport 2010-2011, remis à l'Assemblée nationale jeudi, Raymonde Saint-Germain signale une hausse substantielle du nombre de plaintes liées à la réduction des soins à domicile. Elles sont passées de 26 en 2009-2010 à 64 en 2010-2011. Notons que les personnes qui portent plainte ne représentent en général que la pointe de l'iceberg. C'est d'autant plus le cas lorsqu'il est question de gens vulnérables comme les aînés et les handicapés.

Refus de services

«Le Protecteur du citoyen constate que l'on coupe en partie ou en totalité les services de soutien à domicile à des usagers sans tenir compte des conséquences sur leur santé et leur bien-être. Ces personnes vulnérables, de plus, se trouvent ainsi isolées. D'autres se voient refuser ces services ou constatent que leur nom demeure sur une liste d'attente», peut-on lire dans le rapport.

Mme Saint-Germain précise que «les raisons invoquées pour diminuer l'accès au soutien à domicile sont souvent d'ordre budgétaire».

Le gouvernement Charest a annoncé en mars 155 millions de dollars supplémentaires dans les soins à domicile destinés aux personnes âgées. Le budget est en hausse depuis quelques années. Or, «dans la réalité, des sommes qui normalement ont été annoncées comme étant dédiées à des services sont réorientées pour des fins de compressions budgétaires ou pour éponger des déficits ailleurs», explique Mme Saint-Germain.

Son personnel a expliqué que les sommes ne sont pas réservées précisément au maintien à domicile. S'il y a dépassement budgétaire dans d'autres services ou s'il faut faire des compressions, les CSSS et les agences ont tendance à réduire les services «périphériques» comme les soins à domicile.

Accès restreint

Selon Raymonde Saint-Germain, les coupes ont pour conséquence «de restreindre l'accès dans la plupart des régions, alors que les listes d'attente s'allongent». En raison de cette demande accrue, «des citoyens qui ont un besoin de soins à domicile reconnu par des spécialistes des services sociaux ne sont pas capables de recevoir le nombre d'heures requis. Ces personnes sont préjudiciées». Les agences et les CSSS «essaient de desservir le plus grand nombre de personnes possible». On réduit les heures de service de l'une afin de pouvoir en offrir un peu à l'autre, explique-t-elle.

Ce rapport est embarrassant pour le gouvernement. Le Conseil du Trésor vient d'exiger des compressions de 800 millions, dont 300 millions dans le réseau de la santé, en affirmant que les services aux citoyens ne seront pas touchés. Québec martèle d'ailleurs que les services sont épargnés dans le cadre de la lutte contre le déficit. «Les compressions budgétaires en soi ne sont pas quelque chose qui est perçu de ma part comme étant négatif, car je pense qu'il y a un défi d'atteinte de l'équilibre budgétaire, a affirmé Mme Saint-Germain. Cependant, ce que je constate sur le terrain, c'est qu'il y a eu au cours de la dernière année des conséquences dans l'affectation des ressources par rapport aux services publics. Je fais une mise en garde pour qu'on soit vigilant pour s'assurer que les compressions ne se feront pas au détriment de la qualité des services et surtout au détriment des droits des citoyens. On va suivre ça de très près.»

La ministre déléguée aux Services sociaux, Dominique Vien, entend «envoyer un message au réseau» pour que les sommes annoncées pour les soins à domicile soient bel et bien utilisées à cette fin. Elle a fait valoir les investissements «spectaculaires» du gouvernement. Elle a lié les réductions de service à la hausse de la demande.

De l'argent mal utilisé

«On voit bien que l'argent ne va pas dans les services» mais plutôt «dans les structures», a dit Carole Poirier, porte-parole du Parti québécois pour les questions qui touchent les aînés. Selon le Secrétariat intersyndical des services publics (CSQ, FIQ, SFPQ, SPGQ et APTS), le rapport de la protectrice du citoyen prouve que le discours du gouvernement Charest, «qui croit pouvoir faire des coupes dans l'État sans toucher à la qualité des services» n'est que «pensée magique» et «poudre aux yeux».

Dans son rapport, Raymonde Saint-Germain relève que, à l'heure de la lutte contre le déficit, des ministères et des organismes font preuve dans l'application des règles d'une «rigidité administrative» qui brime les droits de citoyens.

Par exemple, lorsqu'il veut récupérer des prestations d'aide sociale versées en trop, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale a parfois des «exigences déraisonnables qui font en sorte que des sanctions condamnent certaines personnes à l'extrême pauvreté».

Revenu Québec a imposé deux fois le revenu d'une personne décédée en raison d'une «interprétation abusive» de la loi sur les impôts, a ajouté Mme Saint-Germain.