Les infirmières et inhalothérapeutes des blocs opératoires de la province estiment être traités injustement par le gouvernement. Depuis le printemps dernier, Québec verse une prime de soins critiques de 10% par année aux employés des urgences, des soins intensifs, de néonatalogie et de soins coronariens. Mais le personnel du bloc opératoire est exclu. Choquée par ce traitement, une inhalothérapeute du Centre hospitalier universitaire de Montréal (CHUM) a lancé une pétition pour corriger une situation qu'elle qualifie de «totalement injuste».

«Un patient arrive aux urgences, où il est soigné par des infirmières qui reçoivent une prime de soins critiques. Puis il est opéré au bloc, où on ne reçoit pas de prime. Il est finalement envoyé aux soins intensifs, où les employés reçoivent une prime. C'est illogique! Les soins ne sont pas moins critiques au bloc», dénonce Johanne Rouleau, inhalothérapeute au CHUM. Choquée par ce qu'elle estime être une inégalité, Mme Rouleau a lancé une pétition demandant l'ajout de la prime au bloc opératoire. En quelques mois, plus de 225 médecins et employés du CHUM l'ont signée.

Graves pénuries de personnel

Mme Rouleau n'est pas la seule à s'inquiéter des inégalités engendrées par ces nouvelles primes. Dans un rapport publié en août dernier, les directrices des soins infirmiers des hôpitaux universitaires du Québec ont sonné l'alarme. Selon elles, les employés des blocs opératoires devraient obtenir la prime, car de graves pénuries de personnel sévissent dans ces services, entraînant la fermeture de plusieurs salles et le report de centaines d'opérations.

Les employés des salles de recouvrement post-hémodynamie, des salles de neuroradiologie interventionnelle, des soins intermédiaires et des salles de réveil devraient obtenir cette prime, selon le rapport.

Depuis cinq ans, les blocs opératoires du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) ont continuellement affiché des postes vacants, forçant la fermeture de salles d'opération. Au CHUM, Mme Rouleau note que plus de 9000 personnes sont en attente d'une intervention, mais que des salles sont toujours fermées faute de personnel.

La porte-parole du CHUM, Lucie Dufresne, assure que la situation s'est améliorée au cours de la dernière année et que le nombre de salles d'opération ouvertes est passé de 22 à 26. Mais dans tout le Québec, les fermetures de salles à cause de la pénurie de personnel sont monnaie courante, confirme le président de l'Association québécoise de chirurgie, le Dr Roger Grégoire.

Certains hôpitaux doivent même fermer des salles à l'heure du midi afin de permettre aux employés de manger. «C'est une situation répandue. On ferme la salle 45 minutes pour le dîner. C'est très frustrant pour les chirurgiens», dit le Dr Grégoire.

Employés sous pression

La pression sur les employés en place est énorme. «C'est stressant de travailler au bloc opératoire. On a beaucoup de responsabilités. On est capables de recruter, mais plusieurs infirmières ne restent pas parce que les tâches sont trop lourdes», affirme France Houle, infirmière au CHUM.

Au cabinet du ministre de la Santé, Yves Bolduc, on indique que la prime de soins critiques a été offerte notamment aux soins intensifs et aux urgences parce que «c'était dans ces services que le recrutement était le plus difficile». Pour l'instant, Québec n'envisage pas de l'étendre à d'autres services, selon l'attachée de presse de M. Bolduc, Natascha Joncas-Boudreau.

Une situation qui irrite Mme Rouleau. «On a été royalement oubliés dans les dernières négociations. Il faut changer les choses. Sinon, les pénuries de personnel au bloc ne vont qu'augmenter», dit-elle.

À la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ), on reconnaît ne pas avoir réussi à faire reconnaître les blocs opératoires comme des services de soins critiques. Mais la vice-présidente Sylvie Savard, n'abandonne pas le combat.