L'organisme Cactus prévoit ouvrir un premier site d'injection supervisée (SIS) pour toxicomanes à Montréal d'ici à l'été prochain. Il mettra bientôt sur pied un comité de «bon voisinage» afin de rallier la communauté à son projet.

Mardi, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Yves Bolduc, a donné le feu vert à l'implantation de SIS, dans la foulée d'un jugement de la Cour suprême. Il a toutefois fixé une condition: tout projet devra respecter le principe de «l'acceptabilité sociale».

«C'est déjà un facteur dont on tient compte dans la mise en place de nos services», a affirmé hier Jean-François Mary, responsable de l'organisation communautaire chez Cactus.

Le comité de bon voisinage servira à obtenir un consensus autour du projet. Il réunira entre autres des résidants, des commerçants, des représentants de l'UQAM, de la Ville de Montréal, du centre de santé et de services sociaux Jeanne-Mance et du poste de quartier 21 du SPVM. «On veut valider que l'offre de services leur convienne et déterminer quels paramètres on peut ajuster pour que le projet soit plus acceptable pour eux. On veut voir les irritants possibles et agir avant que le feu soit pris», a indiqué M. Mary.

Il ne s'attend pas à une vive opposition. «Il y a des gens qui ont des appréhensions. Mais des opposants farouches, dans notre quartier, il n'y en a pas réellement.» La Corporation de développement urbain du Faubourg Saint-Laurent, qui regroupe entre autres des commerçants, estime que le projet de Cactus est «justifié» et «intéressant». Mais elle a «des inquiétudes au sujet de la façon dont ça va être mis en place et des effets sur le terrain», a affirmé son directeur général, Jérôme Vaillancourt, refusant d'aller plus loin pour l'instant. Il a salué la création d'un comité de bon voisinage.

Cactus veut ouvrir un SIS dans ses locaux situés à l'angle des rues Sanguinet et Sainte-Catherine, dans le centre-ville. Il y fait déjà la distribution de seringues. De 100 à 150 personnes utilisent le service chaque soir. Cactus ne s'attend pas à une hausse de l'affluence avec l'ouverture d'un SIS. Il embaucherait des infirmières pour superviser les toxicomanes qui s'injectent leur drogue. Le service serait financé par l'État.

Il y a près d'un an, Cactus avait dit vouloir ouvrir un SIS dès le printemps dernier. Mais il avait repoussé le projet afin de participer aux travaux d'un comité de la Direction de la santé publique de Montréal sur l'implantation de SIS.

Selon la Dre Carole Morissette, ce comité produira un rapport d'ici la fin de l'année. «Il y a beaucoup de sensibilisation à faire» au sujet des SIS, a-t-elle souligné. «On ne peut garantir qu'il n'y aura aucun impact négatif, mais toutes les études montrent qu'il y a une réduction de l'ensemble des irritants comme les seringues à la traîne et l'injection de drogue dans les lieux publics.» Elle a fait valoir que les SIS «sauvent des vies, préviennent les surdoses en plus de les traiter si elles surviennent, amènent une augmentation de l'accès et de la demande de services en désintoxication».

Cactus devra avoir l'autorisation de la Santé publique et du ministre Bolduc pour aller de l'avant. Il devra également obtenir d'Ottawa une exemption à la loi sur les drogues qui lui permettra d'exercer ses activités sans que son personnel et ses clients soient accusés de possession ou de trafic de drogue. Cette étape sera facilitée par le jugement de la Cour suprême.