Marie-France perdait ses cheveux par touffes et ne dormait plus depuis des semaines. Lors de son examen annuel, c'est son médecin de famille qui a insisté pour que la gestionnaire lavalloise demande un arrêt de travail.

Incapable de capituler, la jeune mère de famille a attendu un mois avant de le faire. Elle ne savait pas encore qu'elle partait en guerre. Une guerre qui la laisserait sans revenus pendant neuf mois et aggraverait son état. Tout cela parce que son assureur s'est basé sur une simple entrevue téléphonique pour refuser de l'indemniser, en faisant fi de deux rapports médicaux éloquents.

Dans le deuxième, le médecin de Marie-France est si indigné qu'il écrit certains mots en majuscules et les souligne. Entre autres, que le «harcèlement [de l'assureur] est incompréhensible et très contreproductif», qu'il a «exacerbé» la dépression de sa patiente et l'a forcé à augmenter sa médication.

«Sans mon mari et notre marge de crédit, toute la famille se retrouvait à la rue», indique la jeune femme, qui nous a demandé de changer son nom.

«Je ressassais ça jour et nuit, se souvient-elle. Je pensais à l'impact énorme que tout ce stress avait sur mes enfants. Au fait qu'on me traitait comme une fraudeuse alors que je m'étais donnée comme une folle partout, toute ma vie.»

Au bord du désespoir, la jeune femme a finalement interpellé son syndicat, tandis que son médecin de famille l'a dirigée de son propre chef vers un confrère psychiatre. Ce dernier a conclu que Marie-France présentait «clairement un état dépressif majeur, même avant l'arrêt de travail». Et que le refus de l'assureur avait provoqué «un phénomène de ruminations anxieuses avec tonalité quasi obsédante».

Quelques semaines plus tard, la jeune femme a enfin reçu un chèque. «J'étais soulagée, et en même temps, très amère», dit-elle. L'assureur ne lui a jamais remboursé les intérêts de crédit qu'elle a payés par sa faute pendant des mois. Il ne l'a pas dédommagée non plus pour l'avoir tourmentée et avoir ainsi retardé de plusieurs mois son retour à plein salaire.

Pire encore, deux mois après l'avoir enfin indemnisée, il lui a de nouveau coupé les vivres. Encore une fois, son syndicat a dû s'en mêler pour qu'elle obtienne six mois de répit supplémentaireset un retour progressif au travail.

«D'après mon syndicat, c'est une guerre d'usure typique, dit Marie-France. Bien des gens n'ont pas la force de se battre, alors, c'est payant de prendre le risque de les détruire.»