Alors que l'accès aux soins de santé est toujours difficile au Québec, une nouvelle étude démontre que la province n'a jamais compté autant de médecins. Le Québec est même l'une des provinces canadiennes où le nombre de médecins par habitant est le plus élevé.

Selon les données de l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS), 17 800 médecins exercent au Québec, ce qui représente un ratio de 224 médecins par 100 000 habitants. Dans tout le pays, seule Terre-Neuve (226) et la Nouvelle-Écosse (225) en comptent plus.

Malgré ce nombre jamais atteint de médecins, l'accessibilité aux services n'est pas facile. Au cabinet du ministre de la Santé, Yves Bolduc, on affirme que la population augmente, qu'elle vieillit et que la demande de soins est donc plus grande. «Il faut mettre les choses en perspectives. Il y a quelques années, on parlait de rupture de services dans certaines spécialités. Plus maintenant. On continue à travailler pour améliorer l'accès en première ligne», note Marie-Ève Bédard, attachée de presse du ministre de la Santé, Yves Bolduc.

Clientèle plus lourde

Le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), le Dr Louis Godin, croit lui aussi que «la clientèle s'alourdit», augmentant la demande de services. Il analyse toutefois prudemment les données de l'ICIS qui diffèrent de ceux de la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ). Selon la RAMQ, le ratio de médecins par 100 000 habitants serait plutôt de 102 omnipraticiens et 111 spécialistes au Québec, pour un total de 213, et non pas 224 comme le dit l'ICIS.

Selon le Dr Godin, les problèmes d'accès s'expliquent également en partie parce que les étudiants se tournent de moins en moins vers la médecine de famille. «En 10 ans, le nombre d'omnipraticiens n'a augmenté que de 893 au Québec. Pendant ce temps, le nombre de médecins spécialistes a augmenté de 1586. Cet écart qui se creuse explique en partie que, même si on n'a jamais eu autant de médecins, on a quand même des problèmes d'accès», note le Dr Godin.

Le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), le Dr Gaétan Barrette, estime pour sa part que mettre les problèmes d'accès en santé sur le dos du vieillissement de la population est simplement «une excuse qui permet d'éviter de parler du tabou: la baisse de la charge de travail des médecins». «La population ne vieillit pas si vite que ça, et elle vieillit de plus en plus en santé [...] Il y a une tendance occidentale à la baisse en terme de charge de travail. Cette baisse se voit dans certaines spécialités médicales. Mais là où c'est le plus facile de le faire, c'est en première ligne. Et ça, c'est un tabou dont il faut parler.»

Les moins payés

Le salaire des médecins va lui aussi en augmentant selon le rapport de l'ICIS. Au Canada, le revenu brut moyen d'un omnipraticien est de 239 000$ alors que celui des médecins spécialistes est de 341 000$. Les médecins de famille du Québec sont de loin les moins bien payés au pays (193 000$). Les médecins spécialistes de la province sont dans la même position (258 784$). De toutes les provinces, c'est au Québec que les médecins prennent leur retraite le plus tard, soit 71 ans en moyenne.

Mme Bédard estime que le salaire des médecins québécois doit être analysé «dans un contexte global». «Par exemple, les droits de scolarité des médecins sont beaucoup plus faibles ici. On a un réseau de garderies à faible coût... Comme société, on offre d'autres avantages. Oui, les médecins du Québec ont les plus petits salaires, mais quand on les compare aux autres professions dans la province, ça semble équitable.»

Le Dr Godin répète quant à lui que les données de l'ICIS diffèrent de celles de la RAMQ puisque selon celle-ci, les omnipraticiens gagnent en moyenne 202 972$ au Québec et les médecins spécialistes, 316 439$.