La Food and Drug Administration les juge dangereuses pour la santé. Au Canada, leur vente est toujours illégale. Mais de récentes études montrent que les cigarettes électroniques, ou e-cigarettes, pourraient avoir des effets bien moins nocifs qu'on le pense.

Dans le film The Tourist, Johnny Depp en «grille» une à bord d'un train. Leonardo DiCaprio a été vu à vélo, cigarette électronique au bec. Et des dizaines d'autres célébrités se font prendre volontiers en photo par les paparazzi, e-cigarette à la main, en train de se «vaporiser» les poumons sans se cacher.

Mais il n'y a pas qu'à Hollywood où les cigarettes électroniques ont la cote. Quelques années après leur arrivée sur le marché mondial, des dizaines de médecins et chercheurs de partout dans le monde ont commencé à appuyer ce gadget, jugé moins nocif pour la santé que la cigarette normale.

Créées en 2004 en Chine, les cigarettes électroniques sont essentiellement composées d'une pile rechargeable, d'un atomiseur, d'une lumière électroluminescente et d'une cartouche de nicotine liquide. Lorsque le «fumeur» aspire par l'extrémité, l'atomiseur chauffe la nicotine liquide, qui se transforme en vapeur d'eau, donnant l'impression au fumeur d'absorber une vraie bouffée de fumée.

«Ce n'est pas exactement la même sensation que de fumer une vraie cigarette, mais l'effet est soulageant», confie Raphy Cohen, un fumeur invétéré - un paquet par jour depuis 15 ans - qui est passé aux cigarettes électroniques Zen il y a quatre mois. Depuis qu'il fume des e-cigarettes, sa consommation de nicotine a diminué à l'équivalent d'un paquet par semaine. «Ça fait des années que je veux arrêter et que je n'y arrive pas. Grâce aux cigarettes électroniques, c'est la première fois que j'arrive à contrôler mes envies de fumer», dit-il.

Les e-cigarettes sont aussi vendues sous des dizaines de marques différentes: SafeCig, GreenSmoke, ePuff, BLU-Cigs, Volcano Vaporization System.

Dans tous les cas, elles proviennent d'usines chinoises et on peut facilement se les procurer sur le web.

La Presse a aussi pu constater que certaines tabagies montréalaises les gardent bien en vue sur leurs étalages. Des ensembles complets sont vendus une centaine de dollars. Et pourtant, en vertu de la Loi sur les aliments et drogues, Santé Canada interdit leur vente et leur importation au Canada. Leur innocuité n'a jamais été testée scientifiquement, explique Santé Canada. «Nous n'avons pas encore reçu de demande formelle d'autorisation de mise en marché pour ce produit», indique Olivia Caron, porte-parole pour l'organisme.

En octobre dernier, Santé Canada a saisi la marchandise de Zen eCigarette, une entreprise de Beauce qui commercialise la marque Zen. «Ils ont saisi pour 50 000$ de matériel», affirme Vincent Deblois, propriétaire de l'entreprise. Sa société cherche maintenant à obtenir une injonction de la cour pour que les cigarettes électroniques soient considérées comme de simples inhalateurs de nicotine, comme ceux qu'on trouve sur les tablettes en pharmacie, à côté des timbres et des gommes à la nicotine.

La résistance des organismes de réglementation est aussi forte aux États-Unis, même si la vente y est légale. La Food and Drug Administration, qui n'a pas juridiction sur les produits du tabac, a publié un communiqué soulignant que les cigarettes électroniques contiennent «des éléments cancérigènes comme le propylène de glycol, un ingrédient qu'on trouve dans l'antigel». Dans les usines, les contrôles de qualité sont manifestement inexistants, tout comme les avertissements de santé publique sur les emballages, insiste l'organisme.

Recherches favorables pour la lutte contre le tabac

Mais l'industrie de la cigarette électronique a de plus en plus d'arguments pour pousser les organismes de réglementation à changer leur fusil d'épaule. En octobre dernier, des chercheurs italiens affiliés au Centre de prévention et de traitement du tabagisme de l'Université de Cantania ont publié une étude démontrant que 50% des fumeurs de cigarette électronique avaient diminué de moitié leur consommation de nicotine après six mois de test. L'échantillon n'était que de 40 personnes, mais les fumeurs recrutés n'avaient à la base aucune intention d'écraser pour de bon. «Ce sont des résultats très intéressants, mais qui méritent d'être approfondis», estime le Dr Gaston Ostiguy, pneumologue à l'Institut thoracique de Montréal et directeur de la clinique d'abandon du tabagisme du CUSM.

«Théoriquement, la cigarette électronique ne peut pas être pire que la cigarette conventionnelle, qui contient 400 produits néfastes. Moi, les gens qui utilisent la cigarette électronique et qui viennent me voir pour arrêter de fumer, je ne les empêche pas de continuer à l'utiliser, au contraire. Mais il faut qu'elles aient aussi accès à de l'aide pour arrêter définitivement», affirme le Dr Ostiguy.

La Coalition québécoise pour le contrôle du tabac a aussi revu ses positions récemment. «Nous sommes très ouverts à tout outil qui pourrait aider les gens à arrêter de fumer. En 2007, nous étions embêtés par l'arrivée de ce produit. Depuis, notre position a évolué», dit la porte-parole Flory Doucas.

Mais la Coalition souligne que les connaissances scientifiques sur le sujet restent préliminaires. «Et le problème, c'est que dans cette industrie, l'histoire nous montre qu'il y a beaucoup d'entreprises très opportunistes.»