Le traitement offert aux 75 aînés transférés d'urgence au Centre multivocationnel Claude-David dans Lanaudière en 2011 était inacceptable et a pu en partie causer la mort de 18 d'entre eux en trois mois. Dans un rapport daté du 21 décembre dont La Presse a obtenu copie, la protectrice du citoyen, Raymonde St-Germain, dresse un portrait effarant du sort réservé à ces personnes âgées et accuse le ministère de la Santé d'avoir mal agi dans le dossier.

L'histoire a commencé en novembre 2010, alors que les urgences de l'hôpital Pierre-LeGardeur étaient aux prises avec un achalandage sans précédent. Quatre-vingts personnes âgées en attente d'une place en hébergement occupaient des lits de courte durée dans l'hôpital, ce qui avait de lourdes conséquences dans la salle d'urgences.

Sous les pressions du ministère de la Santé, le Centre de santé et de services sociaux (CSSS) du Sud de Lanaudière a procédé à l'ouverture accélérée de 60 lits d'hébergement pour aînés au Centre multivocationnel Claude-David.

Cet édifice désuet devait plus tard accueillir des aînés, mais les travaux de rénovation devaient s'étaler sur plusieurs mois. Or, entre le 13 et le 23 décembre 2010, 60 usagers y ont été transférés d'urgence.

Moins de trois mois plus tard, 18 d'entre eux étaient décédés. La situation était si inquiétante que la protectrice du citoyen a mené une enquête.

Transfert trop rapide

Dans son rapport, elle soutient que le transfert des patients s'est déroulé trop vite. Elle rappelle que le transfert représente une «source de stress importante pouvant mener à une détérioration de l'état de santé» pour les personnes âgées en lourde perte d'autonomie.

La protectrice note aussi que plusieurs éléments étaient déficients au Centre multivocationnel Claude-David. Les locaux étaient notamment trop petits et inadaptés. Le roulement de personnel était élevé. Plusieurs employés avaient «peu ou pas d'expérience» auprès d'aînés en hébergement. Et plusieurs infirmières d'agence offrant un encadrement déficient y ont travaillé, note la protectrice du citoyen.

Cette dernière reconnaît l'urgence de la situation vécue en 2011 à l'hôpital Pierre-LeGardeur, mais, selon elle, «les besoins des résidents ont cédé le pas à la priorité de désengorgement de l'urgence.» «Les autorités responsables ne pouvaient ignorer l'impact que ces délais courts de mise en oeuvre et de transfert auraient sur les résidents», dit-elle.

La protectrice attaque aussi Québec. Selon elle, il est déplorable que «ni l'Agence de la Santé de Lanaudière ni le ministère de la Santé, de qui provenait la demande de mesures de désengorgement de l'hôpital, n'aient jugé opportun d'intervenir plus activement auprès de l'établissement afin de s'assurer que les mesures en question ne compromettaient pas la sécurité des soins aux personnes âgées».

La porte-parole de l'opposition officielle en matière d'aînés, Carole Poirier, affirme que la responsabilité ministérielle est «clairement nommée» dans le rapport. «Le Ministère a précipité les choses. On a imposé un calendrier aux résidents et aux employés et ça a provoqué des décès. C'est accablant», dit-elle.