Des leaders des Premières Nations affirment qu'une crise de santé publique déferlera sous peu sur les réserves du nord de l'Ontario quand des autochtones qui ont développé une dépendance à l'OxyContin n'auront plus accès à ce puissant analgésique.

Le fabricant de l'OxyContin, une substance jusqu'à deux fois plus puissante que la morphine, cessera de produire le médicament au Canada à la fin du mois. Le 1er mars, Purdue Pharma Canada le remplacera par une nouvelle formule appelée OxyNEO.

Lorsque pris oralement sous forme de comprimé, l'OxyContin est une version à action prolongée de l'oxycodone, un opioïde fortement toxicomanogène. Mais lorsque le comprimé est mâché ou écrasé pour être reniflé ou injecté, il produit une euphorie semblable à celle de l'héroïne, prévient Santé Canada.

L'OxyNEO contiendra aussi de l'oxycodone mais sa formulation compliquera son utilisation illicite: le comprimé sera très difficile à écraser et la poudre se transformera en gel épais lorsque mélangée à de l'eau, empêchant l'extraction de l'oxycodone à des fins d'injection.

Des dirigeants de Nishnawbe Aski - une organisation qui regroupe 49 communautés autochtones réparties sur les deux tiers de l'Ontario - estiment que quelque 10 000 Autochtones vivant sur des réserves souffrent d'une dépendance à l'OxyContin et auront des problèmes de sevrage quand le médicament ne sera plus disponible. Les symptômes comprennent de graves maux d'estomac, des douleurs musculaires et osseuses, de l'anxiété, une augmentation du rythme cardiaque et de la pression artérielle, la dépression et des idées suicidaires.

Sans accès à l'OxyContin, les toxicomanes se tourneront vers des drogues illégales comme l'héroïne, la cocaïne ou le crack, a prédit Benedikt Fischer, de l'université Simon Fraser, à Vancouver. De plus, le partage des seringues augmentera les risques de transmission de virus comme le VIH ou celui de l'hépatite C.

Chaque comprimé peut valoir plusieurs centaines de dollars sur le marché noir. Si certains sont obtenus par le biais de prescriptions rédigées dans les règles par des médecins, d'autres sont fournis par des trafiquants de drogue et arrivent sur les réserves cachés dans des couvertures pour bébés ou dans de fausses cannettes de boissons gazeuses.

«Nous n'avons jamais vu autant de nos enfants avoir besoin de soins, a dit Stan Beardy, le chef de Nishnawbe Aski, expliquant que plusieurs des toxicomanes sont de jeunes parents qui sont ensuite incapables de s'occuper de leur famille. Dans plusieurs cas, il n'y a plus de meubles dans la maison parce qu'ils ont tout vendu, il y a très peu de nourriture, il n'y a souvent pas d'électroménagers. C'est très grave.»

Malgré les appels à l'aide lancés par les leaders autochtones, Santé Canada réplique que les patients qui prennent de l'OxyContin légalement n'ont rien à craindre.

«Toutefois, il est possible que certains patients qui ont obtenu de l'OxyContin par d'autres sources pourront souffrir d'un sevrage quand l'OxyContin sera retiré du marché canadien et qu'ils seront incapables de dénicher un nouvel approvisionnement, a indiqué par courriel un représentant du ministère fédéral, Alastair Sinclair. C'est un problème pour tout individu qui obtient et utilise de l'OxyContin à l'extérieur des paramètres médicaux appropriés.»

Il rappelle toutefois que le programme des Services de santé non assurés couvre des thérapies à la méthadone et à la suboxone, des substances utilisées pour traitement du sevrage aux opioïdes.