Deux semaines après le début d'une pénurie nationale de médicaments injectables, les pharmaciens des hôpitaux québécois attendent toujours de savoir la quantité de produits que la société pharmaceutique Sandoz leur accordera durant le ralentissement de production à son usine de Boucherville. En attendant, la situation entraîne des pénuries chez d'autres fournisseurs et certains produits de remplacement sont déjà en rupture de stock.

Sandoz Canada est le principal fournisseur de plusieurs médicaments injectables génériques dans les hôpitaux québécois.

Ces produits sont essentiels pour les soins critiques et intensifs, ainsi qu'en chirurgie. Parmi les 235 produits fabriqués par Sandoz figurent notamment de la morphine, des anticoagulants, des antibiotiques et des médicaments contre le cancer.

Durée indéterminée

Le 16 février dernier, la société pharmaceutique a fait parvenir une lettre à ses clients dans laquelle elle a annoncé qu'elle devait cesser ou suspendre temporairement la production de plusieurs de ses médicaments, dont certains sont considérés comme essentiels dans les hôpitaux québécois.

Ce ralentissement découle d'un avertissement de la Food and Drug Administration (FDA) américaine, qui a relevé des «violations importantes» dans les normes de production de la société. Sandoz travaille depuis deux semaines à apporter les correctifs demandés par la FDA. Le problème, reprochent plusieurs acteurs du système de santé, c'est que Sandoz n'est toujours pas en mesure d'indiquer combien de temps va durer la crise et combien de médicaments seront alloués à chaque établissement de santé canadien.

Il y a une semaine, les hôpitaux québécois ont demandé presque unanimement à Sandoz de leur fournir un tableau de bord précis détaillant quels médicaments seraient en rupture de stock ou en fin de série.

Depuis, l'entreprise a été en mesure de fournir une estimation du pourcentage de production des médicaments qu'elle produit à l'heure actuelle. Pour éviter le stockage, qui pourrait aggraver la pénurie, Sandoz a décidé d'allouer les médicaments aux hôpitaux selon leur «consommation historique». Le hic, c'est que les hôpitaux ne savent pas comment la société a fixé cette consommation dite historique.

Problème chez les autres fabricants

Autre problème, certains médicaments de remplacement commencent à être épuisés. «Nous sommes en discussion avec les autres fabricants, mais l'effet domino fait en sorte que ceux qui vendent les médicaments dont on a besoin sont déjà en rupture. On a déjà pas mal vidé ce qu'ils avaient. Il y a maintenant d'autres fabricants qui cherchent à rehausser leur production», a expliqué Jean-François Bussières, président du comité des pharmaciens de SigmaSanté, plus important groupe d'achat de médicaments du Québec, qui approvisionne les régions de Montréal et de Laval.

À l'heure actuelle, tous les patients ont reçu les médicaments qui leur ont été prescrits. «Mais les efforts fournis pour y parvenir sont assez impressionnants», a souligné Jude Goulet, pharmacien en chef à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont.

«De façon standard, on garde une réserve de médicaments pour 7 à 14 jours. En ce moment, on se situe plus entre 5 à 7 jours. Ma marge de manoeuvre est de plus en plus mince.»

Crise difficile

Selon M. Goulet, cette crise est l'une des plus difficiles qu'il a eu à gérer.

«Cette crise-là est plus grave dans la mesure où c'est la quantité de produits qui sont touchés en même temps. Il y a cinq ans, on pouvait passer environ deux heures par semaine à gérer les ruptures de marchandise. Cette année, j'ai un employé qui pouvait y consacrer deux ou trois heures par jour. Cette semaine, il est à temps plein, on a dû passer de 40 à 60 heures là-dessus. En matière d'heures investies pour que l'hôpital fonctionne, c'est majeur.»