Deux hommes sont morts le printemps dernier d'une surdose accidentelle de dextrométhorphane, produit contenu notamment dans les sirops contre la toux. Dans deux rapports publiés vendredi, le Bureau du coroner, qui a enquêté sur ces morts, recommande l'interdiction de la vente libre des sirops contre la toux. Les coroners Andrée Kronström et Pierre Guilmette estiment que les pharmaciens devraient dorénavant superviser la vente de ces produits.

Marcel D'Amour, 65 ans, a été trouvé sans vie chez lui à Québec, le 5 mai 2011. Des analyses sanguines ont révélé la présence de dextrométhorphane à une concentration supérieure au seuil toxique.

M. D'Amour était secoué par de fortes quintes de toux depuis le 24 avril. Selon la coroner Kronström, il est fort probable que l'homme se soit procuré du sirop contre la toux en vente libre dans une pharmacie et qu'il ait «forcé la dose». «Il a ainsi peut-être sous-estimé les effets nocifs d'un surdosage», écrit la coroner, qui croit que ces produits devraient être vendus sous la surveillance d'un pharmacien seulement.

Le coroner Guilmette a tiré la même conclusion en analysant les circonstances entourant la mort d'Yvon Boucher, 64 ans, survenue le 7 avril 2011. Le cas de M. Boucher est un peu plus complexe. L'homme, qui souffrait de trouble bipolaire, consommait du Prozac. Après avoir consulté son médecin pour une bronchite et une sinusite le 4 avril, il s'était également fait prescrire un antibiotique, le Biaxin. Et quand on l'a trouvé mort en avril, deux bouteilles de sirop contre la toux se trouvaient à ses côtés.

Le coroner Guilmette explique que c'est peut-être la consommation combinée de tous ces médicaments qui ont conduit à la mort du résidant de Saint-Georges, en Beauce. Car le Biaxin empêche le métabolisme d'absorber correctement le dextrométhorphane et le Prozac ralentit aussi la métabolisation de la substance. Les analyses menées sur la dépouille de M. Boucher ont permis de relever des taux toxiques de dextrométhorphane dans son sang.

Selon le Dr Guilmette, il faut mieux encadrer la vente des produits contenant du dextrométhorphane. D'autant plus que l'efficacité de cet antitussif n'a jamais été prouvée. «Il y a même une étude qui a comparé l'efficacité du dextrométhorphane à un placebo et au miel.» Le miel a eu les meilleurs performances, souligne le Dr Guilmette.

Le coroner note également que le Biaxin est un antibiotique très souvent prescrit au Canada. «Et on prescrit chaque année 25 millions d'antidépresseurs comme le Prozac. Les risques que des gens consomment ces médicaments avec des sirops contenant du dextrométhorphane sont grands. En interdisant la vente libre des sirops, on permettrait aux pharmaciens de faire de la prévention auprès des consommateurs et de leur parler des dangers d'intoxication», dit le coroner.

Médicaments en vente libre: 20 morts en 10 ans

La porte-parole de l'Ordre des pharmaciens du Québec, Julie Villeneuve, explique que la «très grande» majorité des sirops contre la toux contient du dextrométhorphane. Pour changer le règlement et interdire la vente libre des sirops, une demande doit d'abord être faite à l'Office des professions, qui rendra ensuite une décision.

De 2000 à 2009, 20 personnes sont mortes après avoir consommé des médicaments en vente libre au Québec. De ce nombre, combien avaient consommé des sirops contre la toux? Impossible de le dire. Mais ce n'est pas la première fois que des avertissements concernant ces produits sont lancés. En décembre 2008, Santé Canada a entre autres recommandé que les enfants de moins de 6 ans ne consomment pas de médicaments en vente libre contre la toux et le rhume, car leurs effets sur celui-ci sont nuls et mettent inutilement en danger la santé.