Contrairement à ce qui été observé chez les animaux de laboratoire, l'amiante chrysotile persiste pendant des décennies dans les poumons humains, selon une étude réalisée par l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

«On remarque qu'il y a biopersistance de tous les types d'amiante, y compris le chrysotile, 30 ans ou plus après la cessation de l'exposition», affirme Georges Adib, hygiéniste du travail, l'un des auteurs de l'étude, en entrevue téléphonique avec La Presse.

Il ajoute que les résultats contredisent ceux d'expériences menées sur des rats, dont les poumons évacuent rapidement les fibres d'amiante chrysotile. Ces expériences ont été citées par l'industrie de l'amiante pour plaider en faveur d'une exploitation du chrysotile, le type d'amiante qu'on trouve dans les mines québécoises.

L'étude de l'INSPQ a consisté à analyser les poumons de 123 travailleurs québécois qui ont été indemnisés par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) pour une maladie liée à l'amiante.

Entre 1988 et 2007, 380 blocs de poumons de ces travailleurs ont fait l'objet de prélèvements après leur mort ou par biopsie.

Dans une forte proportion de cas (92%), ce prélèvement était nécessaire parce que les travailleurs étaient aussi des fumeurs ou des ex-fumeurs et que l'exposition à l'amiante peut aussi causer le cancer du poumon.

Les échantillons ont été examinés par «spectrométrie dispersive en énergie de rayons X», une technique coûteuse et sophistiquée qui permet de différencier les types de fibres dans les tissus.

«La majorité des travailleurs dont le délai [depuis la dernière exposition] est de 30 ans ou plus présente encore du chrysotile, notent les chercheurs. Ce résultat va à l'encontre d'études animales où les fibres de chrysotile inhalées sont éliminées entre 20 et 200 jours après l'exposition.»

L'INSPQ conteste du même coup un critère de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui fait que le nombre de fibres d'amiante observées dans les poumons est sous-estimé dans la plupart des recherches. Les fibres de chrysotile sont en général plus courtes et l'OMS s'en tient aux fibres plus longues.

«La faible proportion de fibres OMS dans les poumons des travailleurs [...] confirme la pertinence de prendre en compte d'autres critères dimensionnels pour caractériser les risques sanitaires liés à l'inhalation de l'amiante», conclut l'INSPQ.