Le Dr Jacques Véronneau, à titre de dentiste, se passionne pour les caries. Il en a même fait sa spécialité. Sauf qu'il n'aime pas utiliser sa fraise: il se consacre plutôt à la prévention. Ses travaux de recherche démontrent qu'il faut s'occuper de la santé dentaire des enfants dès le berceau. Professeur à la faculté de médecine dentaire de l'Université McGill, il tente de changer la culture «curative» des dentistes pour une culture «préventive». Mais le chemin est ardu.

Le Dr Jacques Véronneau parle de la carie comme d'autres de leur passion pour les voitures ou le hockey. «La carie est une maladie infectieuse, dit-il. On peut la comparer à la tuberculose. Au lieu de regarder les lésions, on devrait chercher à diminuer l'infection. Et il faut s'occuper de la santé dentaire des enfants dès l'âge de 3 mois.»

Dentiste actif et professeur à la faculté de médecine dentaire de l'Université McGill, le Dr Véronneau consacre une partie de sa pratique à tenter de changer la culture dite «curative» des dentistes. «Ce qu'il faut comprendre, explique-t-il, c'est que nous partons tous dans la vie avec une santé buccale adéquate. Mais il faut bien le dire, c'est plus payant pour les dentistes de sortir la roulette, de faire des plombages, des extractions, que de faire de la prévention.»

Selon le Dr Véronneau, il faut arrêter de dire qu'une visite chez le dentiste n'est pas nécessaire avant l'âge de 3 ou 4 ans. Il insiste pour dire qu'il faut s'occuper de la santé dentaire des enfants avant même la première dent de lait. «Dès l'âge de 6 mois, il y a un risque de contamination, enchaîne-t-il. La contamination peut provenir du doigt qu'on utilise pour nettoyer la bouche de son enfant au lieu d'une débarbouillette propre. Elle peut aussi provenir de la sucette ou de la cuillère qu'on a contaminée en goûtant la nourriture du bébé. Il faut faire de la prévention auprès des mères, mais aussi dans les services de garde.»

À la clinique dentaire de l'Hôpital général de Montréal, le Dr Véronneau enseigne aux futurs dentistes comment examiner la bouche d'un bébé de 3 mois. «C'est simple, explique-t-il: on a qu'à coucher l'enfant sur les genoux de la mère et à s'installer sur une chaise juste en face.» L'examen peut aussi permettre de prélever de la salive et d'en mesurer l'acidité.

La carie, à la fois simple et complexe

Le monde de la carie est à la fois simple et complexe. La carie évolue lorsqu'il y a un déséquilibre des bactéries naturellement présentes dans la bouche; streptocoque (mutant) et lactobacilles. L'infection se développe surtout quand les dents sont exposées à des sucres raffinés, dans un milieu acide.

Il n'y a pas d'âge pour commencer le brossage des dents chez les enfants, mais le plus tôt est le mieux. «Je fais souvent le parallèle avec les cheveux. Il ne viendrait pas à l'idée d'une maman de ne pas laver les cheveux de son bébé. Ça devrait être la même chose pour les dents. Ce qui est important, c'est de n'utiliser qu'une petite quantité de pâte dentifrice, de la taille d'un grain de riz.»

L'Ordre des hygiénistes dentaires du Québec adhère à la vision du Dr Véronneau, bien qu'elle soit controversée du côté des dentistes. «Le Dr Véronneau ne fait pas l'unanimité, mais la prévention est à la base de notre profession. Quand j'ai commencé comme hygiéniste dentaire, il y a 34 ans, le Québec était deuxième au monde pour le nombre de porteurs de prothèses, explique la présidente de l'Ordre, Johanne Côté. Les gens ne comprenaient pas l'importance d'un nettoyage. Les choses ont changé, et je crois qu'on peut faire davantage en matière de prévention.»

La couverture de la RAMQ

À l'heure actuelle, la Régie de l'assurance maladie du Québec couvre les frais des examens et de certaines interventions pour les enfants de 10 ans et moins, mais pas le nettoyage, le détartrage ou l'application de fluorure. En fait, la loi concernant la couverture dentaire au Québec n'a pas été révisée depuis des décennies. Sans vouloir entrer dans un débat politique, le Dr Véronneau estime qu'on devrait se pencher sur la question. «C'est ahurissant, quand on y pense. Plusieurs études ont démontré que la prévention peut permettre l'économie de millions de dollars à long terme. Ce serait donc une économie pour les parents et les futurs adultes.»

L'Ordre des dentistes du Québec a décliné notre demande d'entrevue, et ce, même en plein mois de la santé buccodentaire, au cours duquel il a lancé une campagne de prévention auprès des ados de 12 à 18 ans.

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Ce que paie la RAMQ pour les enfants de moins de 10 ans

- Un examen par année.

- Examens d'urgence.

- Radiographies.

- Anesthésie locale ou générale.

- Obturations en amalgame (gris) pour les dents postérieures.

- Obturations en matériau esthétique (blanc) pour les dents antérieures.

- Couronnes préfabriquées.

- Pansements sédatifs, obturations provisoires visant à réduire la douleur.

- Endodontie (traitement de canal, apexification, pulpectomie, pulpotomie et ouverture d'urgence de la chambre pulpaire).

- Extraction de dents et de racines.

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L'abc des belles dents chez bébé

- Utiliser une débarbouillette propre au lieu des doigts pour nettoyer la bouche.

- Instaurer une routine préventive en nettoyant les gencives avec une débarbouillette, par exemple lors du bain.

- La dernière nourriture avant le dodo devrait idéalement être un biberon d'eau, mais s'il s'agit de lait ou de jus, il est conseillé de brosser ou de masser les gencives par la suite.

- Avant l'apparition des premières dents, il est conseillé de commencer le brossage avec une brosse souple. Par la suite, on peut utiliser une petite quantité de dentifrice au fluorure, de la taille d'un grain de riz.

- La soie dentaire n'est pas conseillée parce qu'elle surcharge la routine et peut blesser le jeune enfant si ce n'est pas bien fait.

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Une campagne pour les ados

Dans le cadre du Mois de la santé buccodentaire, l'Ordre des dentistes du Québec lance une campagne de sensibilisation intitulée «Une belle bouche, c'est cool», destinée aux jeunes de 12 à 18 ans. Quatre sujets particuliers touchant les jeunes seront abordés en avril: le blanchiment des dents, les bijoux dentaires, les boissons énergisantes et les protecteurs buccaux