Les médecins de plus de 70 ans sont sous la loupe du Collège des médecins du Québec depuis le début de l'année. Si dans le reste de la population, on rêve la plupart du temps de la retraite autour de 65 ans, il en va tout autrement pour plusieurs médecins qui ne parviennent tout simplement pas à remiser leur stéthoscope, a constaté La Presse.

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Ça ne pose pas vraiment problème que ces doyens continuent de soigner, surtout dans un contexte de pénurie, mais le Collège des médecins du Québec s'inquiète sur le maintien de leurs compétences. Depuis janvier, l'Ordre a donc commencé à les soumettre à un questionnaire obligatoire. Et à défaut de prendre leur retraite, ceux qui échouent doivent se plier à un stage ou à du tutorat sous la supervision d'un comité d'inspection professionnelle.

1097 médecins âgés de 70 ans et plus

Au total, 1097 médecins sur un total d'environ 20 000 sont âgés de 70 ans et plus et sont toujours actifs au Québec. De ce nombre, 100 médecins ont de 80 à 84 ans, et une trentaine ont de 85 à 97 ans. Le président du Collège, le Dr Charles Bernard, soutient que cette décision de surveiller plus étroitement ces médecins ne découle par de l'enquête sur les mammographies qui a mis en cause le Dr Raymond Bergeron, radiologue de 77 ans, mais il n'en demeure pas moins qu'on veut éviter des bavures médicales.

«Certains médecins de 80 ans qui exercent en établissement sont encore verts à cet âge, mais mon rôle est de m'assurer qu'ils sont bons. Ça vaut autant pour les jeunes que pour les vieux médecins. Ça fait longtemps que notre service d'inspection fait des visites aléatoires chez les médecins ayant plus de 35 ans de pratique, mais vous comprendrez qu'avec 1000 médecins, ça prendrait beaucoup d'inspecteurs pour tous les visiter», explique le Dr Bernard.

Au cours des 10 dernières années, 1900 interventions ont dû être faites par le Comité d'inspection professionnelle du Collège. De ce nombre, le quart ont touché des médecins de 70 ans et plus. Et seulement le tiers de ces médecins ont satisfait aux critères d'inspection.

Deuil de la profession à faire

À la lumière de ces résultats, l'Ordre a mis sur pied des ateliers afin d'aider les médecins à prendre leur retraite. «Plusieurs sont pris dans le feu de l'action, ils n'ont pas hâte de partir à la retraite ou ils ne sont pas préparés financièrement. Il y aussi un deuil à faire. Dans mon cas, il m'a fallu un an avant de parvenir à parler de mes patients sans un trémolo dans la voix. On s'attache à nos patients, nous sommes souvent leur confident», raconte le Dr Bernard qui a quitté son cabinet quand il a accepté la présidence du Collège.

Les médecins de famille sont visés par le comité d'inspection, mais également les spécialistes. Sur ce point, on note que trois médecins sur quatre âgés de plus de 70 ans exercent dans des spécialités. Le Dr Michael Tessler, anesthésiologiste de 55 ans de l'Hôpital général juif, a mené une étude commune avec l'Ontario et la Colombie-Britannique sur une période de 10 ans (1993-2002), qui démontre que les anesthésiologistes de 65 ans et plus sont une fois et demie plus susceptibles d'être poursuivis en justice. La plupart du temps pour des incidents mineurs, comme des dents brisées lors d'une manoeuvre d'intubation.

«Nous ne sommes pas parvenus à déterminer les causes de ces incidents, explique le Dr Tessler. On espère poursuivre les travaux. Ce qui est clair, c'est que les spécialistes qui pratiquent à cet âge ont un bagage impressionnant. Il ne faut pas les forcer à partir à la retraite, mais les plus vieux doivent avoir conscience de leur âge et que le temps peut affecter leurs capacités. C'est une question d'honnêteté envers soi-même.»