Les audiences tant attendues sur le partage des renseignements en santé s'ouvriront jeudi, en commission parlementaire, dans le cadre de l'adoption du projet de loi encadrant le fameux Dossier santé Québec (DSQ). Le débat entourant la divulgation de certaines informations, surtout en matière de santé mentale, s'annonce animé.

Plus d'une vingtaine de regroupements seront entendus au sujet de ce grand projet d'information en santé, dont le Comité des orphelins victimes d'abus (COVA) qui réclame que les faux diagnostics de «débilité mentale», accolés de 1940 à 1965, soient détruits. «Nous allons demander au ministre Yves Bolduc de faire une déclaration officielle dans laquelle il s'engage à les détruire, a expliqué à La Presse le président du COVA, Lucien Landry. Nous avons l'appui de l'Agence de la santé de Montréal et de plusieurs groupes de défense.»

Paul Brunet, du Conseil pour la protection des malades, entend aussi demander des garanties pour la confidentialité de certains renseignements médicaux. «Nous sommes d'accord avec la notion de consentement implicite. Mais il faut s'assurer qu'il y a un mécanisme pour qu'à tout moment, un patient puisse retirer son dossier informatisé. Par exemple, il est tout à fait normal qu'un individu qui a un dossier psychiatrique n'ait pas envie que son orthopédiste en soit informé. On se demande aussi qui va héberger les banques d'informations. On n'a rien contre la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ), mais on a des craintes.»

Six domaines cliniques

Le projet de loi attendu depuis plus de cinq ans (loi 59) encadrera le partage des renseignements informatisés dans six domaines cliniques: médicament, laboratoire, imagerie médicale, immunisation, allergies et intolérances, et hospitalisation des patients. Jusqu'à aujourd'hui, le ministre de la Santé, Yves Bolduc, a gardé dans le plus grand secret les détails de la loi exposés dans un document de 56 pages.

Me Jean-Pierre Ménard, avocat spécialisé dans les causes médicales, sera appelé à se prononcer au nom du Barreau du Québec. «Je peux comprendre les patients qui se méfient de l'informatisation de leur dossier, a-t-il dit en son nom personnel. Par exemple, la banque informatique sur les médicaments permettra aux médecins de savoir si un patient prend des antidépresseurs ou des neuroleptiques. C'est une loi très forte et il faut la vulgariser. Il y aura aussi beaucoup de travail d'éducation à faire auprès des médecins et professionnels de la santé au sujet de la santé mentale. Malgré la sensibilisation, c'est dans ce domaine que les patients touchés sont le plus lésés.»

Demandes des pharmaciens

Sans vouloir dévoiler toutes ses cartes, le passage de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires en commission parlementaire risque de ne pas passer inaperçu. Elle réclame depuis deux ans une hausse des honoraires professionnels, notamment pour l'exécution des ordonnances couvertes pas l'assurance médicaments. À l'heure actuelle, ces honoraires varient de 7,89$ à 8,44$ par médicament prescrit. «Quand un médecin pose un acte, il est payé, je ne vois pas pourquoi les pharmaciens ne le seraient pas, a expliqué le directeur des affaires publiques de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires», Vincent Forcier.

Le Parti québécois entend pour sa part inscrire aux audiences la Commission d'accès à l'information pour aborder d'autres aspects légaux de l'informatisation en santé.

En janvier dernier, l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires a cessé de collaborer avec le gouvernement afin que les négociations reprennent pour améliorer les honoraires professionnels de ses membres. Le ministre Yves Bolduc a fait jusqu'ici la sourde oreille, expliquant qu'il attendait l'entrée en vigueur des pouvoirs accrus des pharmaciens, notamment pour renouveler certaines ordonnances. Actuellement, 154 pharmacies sont branchées au réseau de la santé sur un total de 1800 au Québec. Cette informatisation a nécessité sept ans de travail. Accusant plusieurs retards et des dépassements de coûts, le déploiement du DSQ à travers la province coûtera au moins 500 millions, et doit être terminé d'ici 2015.