Un ex-maire de Saint-Jérôme, Jean-Claude Hébert, dénonce la décision du maire actuel, Marc Gascon, d'accorder sans appel d'offres un contrat totalisant 49 millions en 25 ans pour la location d'un aréna privé. Ce nouveau bâtiment, qui compterait deux patinoires, remplacerait deux arénas municipaux.

Selon la loi, les villes doivent procéder par appel d'offres pour tout projet de construction dépassant 100 000$. Mais ce n'est pas le cas pour un bail comme celui que Saint-Jérôme a signé pour ses nouvelles patinoires, même si c'est pour une somme bien supérieure. «Le maire est là sans opposition et il y a de drôles de décisions qui se prennent», dit M. Hébert.

 

De son côté, la Ville affirme que cette entente lui permet de réduire les risques liés à l'exploitation et à l'entretien et d'avoir une facture prévisible année après année, en plus de réaliser des économies, si on tient compte de l'impôt foncier que devra payer le promoteur.

«Le conseil municipal a analysé différentes formes de financement pour un nouvel aréna et plusieurs projets nous ont été soumis, affirme le maire Gascon. Il s'avère que l'entente que nous avons conclue est la plus économique et la plus avantageuse pour la Ville. Au terme du bail, ce sont plus de 12 millions de dollars que les Jérômiens auront économisés.»

Il reste que l'attribution sans appel d'offres de cet important contrat a fait sourciller dans le milieu des entrepreneurs. «Ce projet-là, je ne l'ai jamais vu annoncé avant la première pelletée de terre! a lancé l'un d'eux, qui a requis l'anonymat. J'aurais aimé pouvoir soumissionner!»

Joint par La Presse, le promoteur du projet, Daniel Lefebvre, a pris la défense de la Ville.

«On aurait pu aller en soumissions publiques, ça ne nous aurait pas dérangés, dit-il. Il y a eu d'autres propositions au fil du temps de la part d'autres promoteurs. Mais à un moment donné, c'est la nôtre qui a plu.»

Cette affaire met un peu de piquant dans la campagne électorale municipale. M. Gascon, le maire sortant, n'a pas encore d'opposant et son parti occupe tous les sièges au conseil.

Selon le contrat signé en juin dernier, la Ville de Saint-Jérôme deviendrait locataire d'un aréna comptant deux patinoires et 1300 sièges au total. Ce contrat doit cependant être autorisé par le ministère des Affaires municipales, ce qui n'est toujours pas fait, trois mois après l'annonce officielle.

L'aréna sera construit au coût de 22 millions par la société Construction Genephi, qui appartient à M. Lefebvre, ingénieur et ancien candidat à la mairie de Laval.

La Ville de Saint-Jérôme s'engage pour 25 ans à louer 4000 heures de temps de glace annuellement au prix de 300$ l'heure. Ce tarif sera ajusté à la hausse annuellement au rythme de 4% par année. C'est deux fois la fourchette-cible d'inflation de la Banque du Canada, qui est de 1% à 3% par année, remarque M. Hébert.

À raison de 4% par année, le loyer annuel initial de 1,2 million doublera en 19 ans et atteindra près de 3 millions la dernière année. Au terme du bail, la Ville aura déboursé près de 50 millions. Avec un ajustement annuel de 2,5%, la facture serait plutôt de 41 millions, soit 9 millions de moins.

Aujourd'hui à la retraite, M. Hébert a été maire de Saint-Jérôme de 1985 à 1989. Il dit avoir écrit au ministère des Affaires municipales pour dénoncer la situation. Cependant, le Ministère n'a reçu aucune plainte dans ce dossier et affirme que le dossier fait l'objet d'une analyse.

Le promoteur du projet, Daniel Lefebvre, affirme que le taux de 4% est justifié. «Il faut comparer des pommes avec des pommes, dit-il. Ce qui va le plus augmenter, ces prochaines années, c'est l'énergie et la main-d'oeuvre, et ça représente la grande majorité de nos coûts d'exploitation. Ce sont des coûts qui auraient augmenté pour la Ville de toute façon.»

Il affirme que la Ville ne désirait plus exploiter des arénas. «C'est rendu de plus en plus complexe à exploiter du point de vue de la mécanique. Pour une municipalité, ça peut devenir un énorme problème de gérer ce type de système avec ses cols bleus.»

M. Hébert juge par ailleurs que le loyer initial de 300$ l'heure est trop élevé. Il donne l'exemple d'un projet comparable à quelques kilomètres de là. En effet, les villes de Boisbriand et de Blainville se sont associées à un entrepreneur pour confier à un organisme à but non lucratif la gestion d'un nouvel aréna. Il affirme que le loyer payé par ces villes est de seulement 200$ l'heure. Une entente semblable à Saint-Jérôme entraînerait une économie de 22 millions en 25 ans, affirme-t-il. À cela, la Ville réplique que, en tenant compte de l'impôt foncier que devra payer le promoteur, la location revient à 210$ l'heure.