Un petit groupe de huit entrepreneurs obtient les trois quarts des sommes versées par la Ville de Laval pour ses travaux de voirie et d'infrastructures, selon une compilation des soumissions publiées entre 2001 et 2008 dans le système officiel d'appel d'offres du gouvernement du Québec.

La Presse a écrit, hier, qu'une quinzaine d'entreprises se partagent la moitié des contrats de travaux publics à Montréal. Mais à Laval, la concentration est encore plus forte. Un point commun, toutefois: dans les deux villes, c'est l'homme d'affaires Tony Accurso qui se tient au sommet du palmarès.

 

Les entreprises de M. Accurso, Construction Louisbourg et Simard-Beaudry, ont en effet raflé le quart des sommes attribuées par la Ville de Laval entre 2001 et 2008, soit 97 millions sur un total de 388 millions.

Pendant la même période, 24 autres sociétés ont obtenu des contrats totalisant à peine plus que les seules entreprises de M. Accurso, soit 100 millions.

Il est de notoriété publique que M. Accurso a ses entrées directes dans le bureau du maire Gilles Vaillancourt. Il n'a pas été possible de parler à M. Accurso hier: il était absent de son bureau.

Pour sa part, le maire Vaillancourt a confirmé hier par écrit, à La Presse, qu'il «a rencontré M. Accurso à quelques reprises» par le passé. Le maire de Laval, élu pour la première fois à ce poste en 1989, a aussi admis avoir assisté à l'inauguration du bar que possède M. Accurso à Laval, le TOPS.

Des règles normales

Les sept autres entreprises à qui la Ville de Laval a remis les sommes les plus importantes sont, dans l'ordre, Nepcon, Poly Excavation, J. Dufresne Asphalte, Jocelyn Dufresne, Demix Laval, Valmont Nadon Excavation et Timberstone.

Tout comme Construction Louisbourg et Simard-Beaudry, ces entreprises ont obtenu ces contrats en suivant les règles d'attribution normales. «Tout contrat est soumis au processus de soumission publique et octroyé au plus bas soumissionnaire conforme», a souligné l'attachée de presse du maire, hier.

Dans des réponses écrites à La Presse, M. Vaillancourt n'a toutefois pas voulu commenter le fait qu'un nombre très restreint d'entreprises ait obtenu la plus grande part des travaux octroyés par la municipalité: «Compte tenu de la période couverte par votre demande et du court délai que vous nous accordez, nous ne pouvons confirmer les pourcentages que vous avancez.»

Des entreprises bien établies

Le maire de Laval a longtemps été le partenaire du propriétaire de Poly Excavation (une des entreprises qui ont obtenu beaucoup de contrats) dans une société immobilière qui possède un vaste terrain vacant en bordure de l'autoroute 13, dans la municipalité de Boisbriand, au nord de Laval.

M. Vaillancourt était alors le troisième actionnaire de la société Parc Domiciliaire Boisbriand, dont le président était l'entrepreneur Léo Lefrançois, principal dirigeant de Poly Excavation.

Après le décès de M. Lefrançois, en 1995, l'entreprise a été prise en charge par son fils, Marc, qui en est toujours le président. M. Vaillancourt a affirmé hier dans son courriel à La Presse qu'il avait vendu ses intérêts dans Parc Domiciliaire Boisbriand en 2001, et qu'il ne sait pas qui en sont, aujourd'hui, les actionnaires.

Pour leur part, les sociétés Nepcon, présidée par Tony Mergl, et Jocelyn Dufresne, dirigée par l'entrepreneur du même nom, sont des habituées des contrats d'infrastructures de Laval depuis au moins deux décennies, où elles brassent l'une et l'autre la majorité de leurs affaires, dans divers domaines de la construction.

En 2000, la firme Nepcon a été reconnue coupable de collusion avec cinq autres entreprises de la région métropolitaine, dans l'obtention de six contrats de déneigement régionaux du ministère des Transports du Québec (MTQ).

À l'époque, le Bureau de la concurrence du Canada avait accusé ces entreprises de s'être entendues pour se partager les territoires de déneigement et pour fixer le prix des contrats à un coût environ 20% plus cher que ce que le MTQ anticipait. Les six entreprises impliquées ont été condamnées solidairement à payer une amende de 1 million.

Pour sa part, l'entrepreneur Jocelyn Dufresne s'est récemment retrouvé au centre d'une controverse entre la Ville de Laval et le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP), à cause d'un terrain utilisé comme dépotoir de débris d'asphalte et de béton.

En 2005, la municipalité considérait les activités de Dufresne comme légales et conformes au zonage en place, alors que le MDDEP les considérait comme illégales, au sens de la Loi sur la qualité de l'environnement. Des avis d'infraction ont alors été émis par le MDDEP, après que La Presse eut publié des photos de ce dépôt de matériaux secs qui était en activité depuis plusieurs années, selon les témoignages recueillis à l'époque.