En mai prochain, des autocars bondés de Maghrébins quitteront Montréal pour une visite de Huntingdon, avec le maire Stéphane Gendron pour guide. Dans un an ou deux, la petite municipalité de 2587 âmes, qui ne compte pratiquement aucun musulman, pourrait avoir sa mosquée et son centre culturel islamique.

Voilà un aperçu de la «grande séduction» que lance le maire Gendron auprès des immigrés originaires du Maghreb, une offensive qui se veut «l'antithèse d'Hérouxville », précise-t-il. Aux prises avec un grave problème de dépopulation qui lui a fait perdre près de 1 résidant sur 10 depuis 1991, la municipalité a pris les grands moyens pour attirer des immigrés en provenance de la Tunisie, de l'Algérie et du Maroc, perçus comme des «cousins».

La nouvelle a été publiée hier à la une du site Rue Frontenac, sous la plume de Gabrielle Duchaine. La mosquée, a expliqué le maire Gendron à La Presse, est «une des démarches» entreprises pour séduire les Maghrébins, en vue de laquelle la municipalité «lance des lignes un peu partout depuis un an».

Aucun partenaire important n'a encore été ferré, avoue le maire, qui compte multiplier les rencontres avec les organismes représentant les Maghrébins dans les prochains mois.

Une «bulle de tolérance»

Huntingdon aimerait voir construire un abattoir halal (où les animaux sont abattus conformément au rite musulman). On offre déjà un congé d'impôt foncier d'un an aux nouveaux résidants nés à l'extérieur du Québec - tout comme aux retraités et aux familles, d'ailleurs. Des fonds ont été réservés au démarrage d'entreprises agroalimentaires, grands employeurs de Maghrébins, selon M. Gendron.

Et il y a bien sûr le voyage organisé en mai, «speed dating» qui permettra à des dizaines d'immigrés de franchir la soixantaine de kilomètres entre Montréal et Huntingdon. «On essaie d'"infiltrer" la communauté maghrébine, avoue tout de go le maire. On veut mettre le paquet, faire la grande séduction. C'est difficile d'intéresser l'immigré à venir en région, alors on mise sur la proximité de Montréal. On peut vivre ici sans nécessairement y travailler.»

Alors que l'islamophobie semble galopante, que les immigrés musulmans au Québec sont frappés par des taux de chômage alarmants, Huntingdon se présente comme «une bulle de tolérance», assure M. Gendron. «Depuis ses débuts, c'est un creuset de plusieurs origines. Mais comme dans toute communauté, il y a toujours des "raisins" qui ne sont pas éduqués et qui voient des terroristes partout. Moi, je crois, philosophiquement parlant, au mélange des races. Culturellement, ça nous enrichit.»

Le maire, chroniqueur à V et au Journal de Montréal, n'a toujours pas digéré le fameux code de vie d'Hérouxville, qu'il qualifie de «dégueulasse». «J'ai tellement peu de respect pour les instigateurs de ce code! Il faut laisser trois générations avant que l'intégration soit complète. Quand t'as compris ça, t'arrêtes de gueuler et de t'alarmer pour rien.» Il dénonce le travail de certains chroniqueurs qui «encouragent l'islamophobie en citant des cas anecdotiques».

«Les 35% de chômeurs chez les Maghrébins, ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de jobs. C'est rendu qu'ils sont obligés de changer leur nom pour être convoqués aux entrevues. Ils finissent par se décourager et rentrent chez eux. C'est triste à mourir.»