Plusieurs centaines de personnes ont participé samedi après-midi à la principale manifestation contre le G7 dans les rues de Québec.

Au milieu de pancartes et de drapeaux multicolores, le cortège s'est mis en branle vers 15 h 45. La marche s'est amorcée devant la fontaine de Tourny, près de l'Assemblée nationale pour revenir vers l'Assemblée nationale. Les manifestants ont déambulé sur la rue Saint-Louis pour se rendre au Château Frontenac, puis la rue Saint-Jean. L'ambiance était festive malgré une forte présence policière.

Sous les yeux de touristes, ils ont scandé des slogans comme «Non au club qui détruit la planète» ou «qui sème la misère récolte la colère».

La foule a applaudi quand un organisateur a dénoncé le G7, le qualifiant d'être un groupe «illégitime établi sur le principe de l'exclusion.»

Au cours d'un point de presse, le chef du Service de la police de Québec, Robert Pigeon, a indiqué qu'aucune arrestation n'avait été effectuée au cours de cette manifestation.

Le député de Mercier, Amir Khadir, de Québec Solidaire, était présent parmi les protestataires.

«Beaucoup de gens sentent qu'on est en train de gaspiller notre argent, a-t-il souligné. Les vraies solutions ne sont pas abordées par ces leaders irresponsables et incompétents.»

Il a dénoncé la forte présence policière qu'il a qualifiée de «proprement scandaleuse».

«Le droit de manifester, c'est l'extension du droit de pétitionner. C'est l'un des droits fondamentaux dans les pays occidentaux depuis (plusieurs) siècles», a-t-il rappelé.

M. Khadir craint qu'un tel déploiement «des forces de répression» convainque des opposants à rester chez eux. «Il y a des milliers de gens qui voudraient exprimer leur désaveu et qui ne sont pas venus parce qu'on leur a dit que ce serait le bordel. Le plus violent, c'est l'image de ces policiers armés comme s'ils allaient en guerre contre les tanks».

Marie-France Labrecque, une manifestante âgée de 68 ans, partageait l'opinion du député.

«Cela crée une atmosphère de menace. Cela crée une atmosphère d'urgence. Il n'y a pas d'urgence. C'est une manifestation où il y a des femmes, des hommes et des enfants. Ça n'a pas rapport d'avoir une police aussi présente, aussi menaçante», a-t-elle dit.

Plus loin, Bernard Rioux faisait aussi un autre constat de la faible mobilisation.

«Il y a un ressac dans le mouvement, a-t-il reconnu. Nous avons subi une série d'échecs. C'est difficile d'attirer des gens quand on ne gagne pas.»

L'emploi est plus précaire, les gens sont moins syndiqués  et les travailleurs n'ont pas vraiment eu droit à des hausses salariales importantes.

«Nous n'avons pu rétablir un rapport de force. C'est nécessaire de le faire.»

Plusieurs refusent de baisser les bras.

Anne-Valérie Lemieux-Breton, qui a participé à l'organisation de la manifestation de samedi, mentionne que la mobilisation demeure plus forte que jamais au sein des organisations communautaires.

«En septembre dernier, nous avons formé une chaîne humaine de 2000 personnes autour de l'Assemblée nationale pour dénoncer les coupes dans les services», a-t-elle rappelé.

Si les gens ont choisi de manifester samedi, c'est, selon elle, pour dénoncer les politiques des pays du G7 qui accentuent les inégalités et favorisent la concentration de la richesse.

«On veut une vraie lutte contre les paradis fiscaux. On veut une vraie lutte contre les changements climatiques», a-t-elle soutenu.

Autres manifestations

Plusieurs autres manifestations se sont aussi déroulées tout au long de la journée.

Des membres de la diaspora africaine au Canada se sont rassemblés devant l'hôtel du Parlement de Québec afin de dénoncer l'invitation au sommet du G7 du président rwandais Paul Kagame, à qui ils reprochent d'avoir commis des crimes de guerre pendant le génocide rwandais de 1994.

Depuis que M. Kagame est arrivé au pouvoir en 2000, l'organisme Human Rights Watch constate que tous ses détracteurs «ont été arrêtés, sont disparus ou ont été tués».

«Comment un dirigeant comme Kagame peut être invité ici?», s'est questionné Freddy Usabuwera, qui a fui le Rwanda en 1997 pour déménager à Québec.

Peu de temps après ce rassemblement, quelques dizaines de personnes se sont placées à l'extérieur du centre des médias avec des drapeaux rwandais pour témoigner leur appui au président Kagame.

Les militants ont participé à l'heure du midi à ce qu'ils qualifient de «sommet du G7 alternatif» à l'extérieur de l'hôtel du Parlement.

Depuis jeudi, les militants anti-G7 ont pris d'assaut les rues de Québec dans le cadre d'une série de rassemblements et de coups d'éclat, mais leurs manifestations pour la plupart pacifiques tranchent avec les millions de dollars dépensés pour assurer la sécurité du sommet.

La rencontre de deux jours se déroule à La Malbaie, dans Charlevoix, soit à environ 120 kilomètres des manifestations. Le président américain Donald Trump a quitté le sommet samedi, moins de 24 heures après son arrivée.

La journée culminera avec la présentation d'un spectacle d'humour, mettant notamment en vedette Fred Dubé et Guillaume Wagner.

Bilan des manifestations

Au cours de son point de presse, Robert Pigeon a dit que les policiers avaient procédé à 13 arrestations depuis le début des manifestations, jeudi.

Quelques centaines de personnes, tout au plus, ont participé à la plus grande manifestation, jeudi soir, qui s'est terminée pacifiquement.

Le jour suivant, en matinée, il y a eu un affrontement tendu entre les manifestants sur une route menant à La Malbaie, mais le tout s'est conclu assez calmement.

Les policiers ont passé le reste de la journée de vendredi à chasser des petits groupes de militants dans la ville. Mis à part quelques incendies provoqués par les manifestants, les marches étaient généralement pacifiques.

Des observateurs sur place

Amnistie Internationale, en compagnie d'autres organismes québécois, dirige une délégation de 44 observateurs pour superviser les manifestations.

La porte-parole Nicole Filion a affirmé que certains observateurs avaient vu des policiers transporter des armes d'assaut, ce qui pourrait effrayer les gens qui voudraient exercer leur droit de manifester, selon elle.

Les observateurs auraient aussi vu les policiers pointer leur arme sur des manifestants, et parfois, des journalistes.

«Notre groupe a parlé à la police des armes d'assaut. Ils nous ont dit qu'à cette époque de terrorisme, ils devaient protéger les gens», a-t-elle soutenu.

«Nous ne croyons pas que les fusils d'assaut sont nécessaires pour contrôler la foule.»

PHOTO IVANOH DEMERS, LA PRESSE

Le député de Québec solidaire Amir Khadir participe à la manifestation à Québec.