(Québec) La bataille judiciaire n’est pas terminée autour de la redevance touristique controversée de Percé. La ville gaspésienne annonce qu’elle va porter en appel un jugement de la Cour supérieure, avec le soutien « sans réserve » de l’Union des municipalités du Québec.

« Il s’agit d’un débat qui dépasse les frontières de la Ville de Percé et qui concerne les pouvoirs de toutes les municipalités au Québec », affirme dans un communiqué la mairesse de Percé, Cathy Poirier.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

La mairesse de Percé, Cathy Poirier

La Cour supérieure a déclaré le 16 juin que le règlement qui instaurait une redevance touristique à Percé n’était pas légal. Elle a donc donné raison aux commerçants qui avaient porté l’affaire devant le tribunal.

La juge Isabelle Germain a conclu que la municipalité avait outrepassé ses pouvoirs et contrevenu à la Loi sur les cités et villes avec son règlement imposant une redevance de 1 $ sur tout achat de 20 $ effectué par les visiteurs.

La décision a eu un grand retentissement dans le monde municipal. Cette cause est « cruciale », note l’Union des municipalités du Québec (UMQ) dans un communiqué envoyé jeudi. La décision du tribunal pourrait entraîner « des répercussions importantes » pour l’ensemble des municipalités.

« C’est pourquoi nous soutenons sans réserve la mairesse Cathy Poirier et le conseil municipal de Percé, et nous continuerons à suivre de très près l’évolution du dossier », a déclaré le président de l’UMQ, Martin Damphousse.

La Ville de Percé a annoncé qu’elle suspendra la redevance d’ici à ce que se prononce la Cour d’appel.

Des pouvoirs obtenus en 2017

Toute cette affaire sera suivie avec intérêt par des municipalités de tout le Québec, qui cherchent à augmenter leurs revenus grâce à de nouveaux pouvoirs obtenus en 2017.

C’est le cas de Percé, qui reçoit un demi-million de touristes chaque année, attirés notamment par son célèbre rocher. La ville de 3100 habitants doit entretenir un ensemble d’infrastructures pour accueillir tous ces gens.

La municipalité a donc décidé en septembre 2021 de mettre en place une redevance touristique. La première mouture du règlement invitait les commerçants à percevoir 1 $ chaque fois qu’un visiteur achetait pour plus de 20 $ dans leur commerce.

Mais il y a un hic. Selon le tribunal, la loi ne permet pas aux municipalités de transformer unilatéralement les commerçants en percepteurs de redevance. Elle doit obtenir leur accord, ce qui n’a pas été fait à Percé.

« À défaut pour la municipalité de percevoir elle-même la redevance, elle peut prendre une entente avec un tiers ou l’État pour la perception de celle-ci », note la juge Germain.

Une modification « purement cosmétique », selon la juge

La Ville de Percé a été mise au courant avant le procès de ce fait par un avis juridique de l’UMQ. Le conseil municipal a donc modifié le règlement en juin 2022 pour faire payer les commerçants – les transformer en débiteurs – chaque fois qu’un visiteur déboursait plus de 20 $ dans leur commerce. Le commerçant était donc libre de faire payer la redevance aux touristes, mais n’était pas obligé de le faire.

Cette modification n’a pas convaincu la juge, qui la considère comme « purement cosmétique ».

« La redevance est définie au Larousse comme une “somme due en contrepartie de l’utilisation d’un service public”. Or, il apparaît clair que ce ne sont pas les commerçants qui utilisent les services publics visés, mais bien les visiteurs », peut-on lire dans la décision datée du 16 juin.

« C’est la présence des nombreux visiteurs à Percé qui crée le besoin d’infrastructures touristiques et non la présence des commerçants », ajoute la juge.