(Québec) L’ancien ministre péquiste Marcel Léger avait qualifié la construction d’une autoroute de six voies sur les berges du Saint-Laurent à Québec en 1978 de « bêtise du siècle ». Une « bêtise » qui privait les citoyens de l’accès au fleuve.

Ce qu’il faut savoir

Le gouvernement du Québec lance un concours international pour le réaménagement des berges du fleuve dans l’est de Québec.

Le jury international composé de sept membres va retenir les trois meilleures propositions d’ici avril prochain. La population sera consultée pour choisir un vainqueur.

Les élus de la CAQ ont montré de l’ouverture pour la transformation de l’autoroute Dufferin-Montmorency en boulevard urbain.

Quarante-cinq ans plus tard, le gouvernement Legault annonce le lancement d’un concours international pour repenser ce secteur de la capitale. Il se montre même ouvert à l’idée de réduire la largeur de l’autoroute Dufferin-Montmorency.

« C’est un engagement ferme de redonner le fleuve aux citoyens », a lancé vendredi le ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale, Jonatan Julien.

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Le ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale, Jonatan Julien, entouré du député de Montmorency, Jean-François Simard (à gauche), et du maire de Québec, Bruno Marchand

Le concours international sera lancé dès la semaine prochaine pour la requalification d’une bande de terre prise entre le fleuve et l’autoroute sur 8 kilomètres, de la baie de Beauport jusqu’au parc de la Chute-Montmorency.

Un jury d’experts va sélectionner trois lauréats en avril prochain. La population sera ensuite consultée sur les trois scénarios. Le président du jury est le paysagiste Bertrand Vignal, de la firme française BASE. C’est cette firme qui a notamment remporté le mandat de réaménager la rive droite du Rhône à Lyon, où une autoroute doit être réduite.

Le jury compte notamment le bassiste du groupe Les Cowboys Fringants. Intrigué, un journaliste de Radio X a demandé : « Jérôme Dupras, membre des Cowboys Fringants, un gars de Montréal, qu’est-ce que ça fait là ? » « Sa formation est d’abord comme écologiste, il est chercheur et professeur », a expliqué l’architecte Jérôme Lapierre, qui épaule la Commission de la capitale nationale du Québec dans l’organisation du concours.

Par le passé, les députés de la CAQ s’étaient montrés timides quant à une transformation de Dufferin-Montmorency en boulevard urbain, comme le demandent unanimement les élus du conseil municipal de Québec.

Mais vendredi, ils ont ouvert la porte à un réaménagement de l’autoroute et notamment à ce qu’elle passe de six à quatre voies. Actuellement, l’autoroute est conçue pour accueillir plus de 90 000 voitures par jour. Elle en reçoit dans ce secteur de Beauport tout au plus 30 000 par jour, et 18 000 à certains endroits.

« Dans le passé, […] on n’était peut-être pas assez prêts à l’éventualité de transformer ce boulevard en autre chose. Si on est ici aujourd’hui, c’est qu’on est prêts à le faire », a dit le ministre Julien.

Ce projet, présenté comme la phase IV de la promenade Samuel-De Champlain, a les mêmes objectifs que ce qui a été réalisé dans l’ouest de la capitale : redonner accès au fleuve aux citoyens, et faire une promenade linéaire pour le vélo et la marche.

Marchand en retrait

Le député caquiste de Montmorency ne cachait pas sa joie. « La plus belle annonce dans ma vie de député jusqu’à maintenant, c’est l’annonce de cette phase IV », a laissé tomber Jean-François Simard.

À sa gauche, le maire de Québec n’affichait pas le même sourire. Bruno Marchand s’est réjoui de l’annonce. Mais elle survient à l’issue d’une semaine particulièrement difficile au cours de laquelle ce même gouvernement l’a dépossédé de son projet de tramway, le remettant entre les mains de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Il a d’ailleurs refusé de répondre à toute question à ce sujet. « Toutes les questions liées à ce projet-là vont être redirigées vers le ministre, a-t-il dit. Vous aurez beau m’en poser 50 dans les prochains mois, je n’y répondrai pas. C’est une décision du gouvernement, il prend le ballon, ils vont répondre. »

Redorer le blason de la CAQ

Peut-on désormais croire la CAQ quand elle annonce des projets pour Québec, vu ses atermoiements dans les dossiers du tramway et du troisième lien ? La CAQ avait également promis en grande pompe un nouveau marché public dans le Vieux-Québec lors de la dernière campagne électorale. L’idée a été abandonnée depuis.

« Je sens l’engagement sincère du ministre et sa volonté d’aller de l’avant » avec cette phase IV, s’est contenté de répondre le maire de Québec. M. Marchand a toutefois invité la CAQ à faire preuve de célérité et de volonté dans ce dossier : « On ne peut pas livrer ça en 2035 », a-t-il dit.

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Le chef de l’opposition officielle à l’hôtel de ville de Québec, Claude Villeneuve

Le chef de l’opposition officielle à l’hôtel de ville s’est réjoui du lancement de ce concours, lui qui réclame depuis longtemps que l’autoroute devienne un boulevard urbain. Claude Villeneuve pense que c’est l’occasion pour le gouvernement de redorer un blason passablement terni dans la capitale.

« La CAQ se cherche des réalisations à Québec, car ils n’en ont pas, a tranché M. Villeneuve. Dans l’est de la ville, la phase IV de la promenade Samuel-De Champlain est plus attendue que le troisième lien… »

Claude Villeneuve n’a pu s’empêcher de remarquer que le maire semblait ébranlé par sa semaine. « C’est sûr que c’est humiliant pour le maire et à travers ça pour tous les citoyens de Québec, la séquence. Ce qu’on vit, de se faire retirer le projet, c’est un très dur coup pour tout le monde. Ce n’est pas la fête pour Québec », a lancé M. Villeneuve.

« J’essaye de m’imaginer Jean-Paul L’Allier, Andrée Boucher ou Régis Labeaume se mettre dans cette situation-là, mais je n’y crois pas », a-t-il ajouté.