Plusieurs collaborateurs des magazines de Quebecor s'inquiètent de devenir, bien malgré eux, briseurs de grève. L'entreprise leur demande de signer un document qui lui permet de publier leurs textes dans le Journal de Montréal pendant le lock-out, une tactique que dénonce le syndicat des travailleurs du quotidien. «Je serais une scab déguisée en pigiste», a dénoncé une collaboratrice de l'entreprise, qui a préféré ne pas dévoiler son identité.

Comme elle, plusieurs travailleurs indépendants sont placés devant un choix déchirant: risquer de voir leurs textes repris dans un quotidien en lock-out, ou risquer de perdre une importante source de revenus.

 

TVA Publications publie un éventail de magazines, comme Clin d'oeil, 7 Jours, Échos Vedettes et Dernière Heure. Depuis quelques semaines, l'entreprise demande à ses pigistes de signer une «Entente de cession de droits d'auteur». Ce document, que La Presse a obtenu, engage les signataires à céder «tous les droits titres et intérêts (y compris les droits d'auteur)» à l'entreprise.

L'Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ) avait déjà dénoncé un document semblable imposé aux travailleurs de l'hebdomadaire Ici l'an dernier. Dans les dernières semaines, plusieurs pigistes qui craignent d'être réprimandés s'ils ne signent pas le contrat ont communiqué avec l'AJIQ.

Après avoir consulté l'avocat Normand Tamaro, l'organisme a conclu que le contrat permet à Quebecor de reprendre les textes des magazines dans le Journal de Montréal pendant le lock-out. Son président encourage ses membres à ne pas signer le document. «C'est aider Quebecor dans sa tentative de publier le journal même si les syndiqués sont en lock-out, déplore Nicolas Langelier, président de l'AJIQ. Il y a vraiment un problème moral qui se pose.»

Cécile Gladel, qui a récemment rédigé un reportage pour la revue Clin d'oeil, est l'une des journalistes à qui on a soumis l'entente.

«Pour moi, il est absolument impensable qu'un de mes textes soit repris, même sans mon nom, dans un journal en lock-out, et me transforme en scab contre ma volonté», a dénoncé Mme Gladel, également vice-présidente de l'AJIQ.

En décembre, la Commission des relations du travail a conclu que Quebecor avait violé la loi anti-briseurs de grève pendant le lock-out au Journal de Québec. Elle a blâmé l'entreprise pour avoir eu recours à des travailleurs de remplacement durant le conflit de travail.

Le vice-président du Syndicat des travailleurs de l'information du Journal de Montréal (STIJM), Richard Bousquet, estime que la mesure utilisée par TVA Publications viole l'esprit de cette décision. «Ça crée un réseau de scabs qui va être, par bouts, plus difficile à identifier», a-t-il dénoncé.

Le STIJM a commencé à monter un «dossier de preuve» sur la question des briseurs de grève.

La porte-parole de Quebecor, Isabelle Dessureault, n'a pas rappelé La Presse, hier.