La manifestation contre la brutalité policière qui a eu lieu dimanche à Montréal a été l'une des plus mouvementées des dernières années. Des centaines de contestataires ont passé cinq heures à jouer au chat et à la souris avec les policiers dans les rues du centre-ville, et quelque 200 personnes ont été arrêtées.

Au plus fort des troubles, en fin d'après-midi, des manifestants ont arraché les planches et les structures de métal d'un échafaudage au Complexe Desjardins pour les traîner au milieu de la rue Sainte-Catherine. Ils ont lancé des briques, des pierres, des morceaux de métal et des légumes en direction des policiers.

L'escouade antiémeute a ensuite provoqué un mouvement de panique lorsqu'elle a chargé une foule composée de manifestants et de simples passants. Un cordon policier a finalement encerclé et arrêté une centaine de personnes à l'angle des rues Sainte-Catherine et de Bleury.

Selon le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), plus de 25 commerces et voitures ont été endommagés. Les autorités s'attendent à ce que le total augmente dans les prochaines heures, à mesure que des citoyens porteront plainte. Des manifestants ont aussi vandalisé plusieurs voitures de patrouille. Deux policiers ont été légèrement blessés.

Au total, 198 personnes ont été arrêtées. Du nombre, 48 feront face à des accusations criminelles pour voies de fait, possession d'arme ou méfait. Les autres ont reçu une contravention pour avoir participé à un rassemblement illégal. La vaste majorité d'entre elles ont été libérées dimanche soir.

C'est quatre fois plus d'arrestations que l'année dernière, alors qu'on en avait compté 47. Le record avait été établi en 2002: 371 personnes avaient été arrêtées.

«On est somme toute assez heureux du résultat parce qu'il n'y a pas beaucoup de blessés et ce ne sont pas des blessés graves, a indiqué le porte-parole du SPVM, Ian Lafrenière. Mais c'est triste qu'encore une fois ça se termine comme ça.»

Le rassemblement débutait officiellement à 14 h, mais tant les manifestants que les policiers avaient pris de l'avance. Dès 13h30, une foule compacte s'était massée devant le métro Mont-Royal, tandis qu'une fanfare enchaînait des mélodies. Des policiers à cheval et plusieurs patrouilleurs à vélo circulaient dans le secteur.

Les organisateurs ont appelé la foule à défiler dans le calme.

«Comme dans toute manifestation, c'est très difficile d'avoir le contrôle sur les manifestants, a affirmé Pierre Francoeur, du Collectif opposé à la brutalité policière. Il pourrait y avoir du grabuge, mais nous, on ne l'encourage pas.»

Plusieurs affichaient ouvertement leur intention de s'attaquer aux policiers. «Si on ne fait pas de casse, personne ne va en parler», a affirmé Frank, dont le visage était partiellement couvert par une cagoule. Le jeune homme, qui se décrit comme un «voyageur», affirme avoir fréquemment été pris à partie par les policiers.

Dès 13h45, les policiers ont arrêté cinq personnes masquées qui transportaient des pierres dans leur sac à dos. Ils ont bloqué l'accès au métro, s'attirant les injures de la foule.

Des contestataires ont d'abord affronté un rang d'une trentaine de policiers à l'angle de l'avenue du Mont-Royal et de la rue Berri. Ils ont lancé les légumes et les fruits que plusieurs avaient apportés à cette fin. Des agents ont riposté avec du gaz-poivre. La foule s'est dirigée vers la rue Saint-Denis.

Sous le regard médusé des promeneurs qui profitaient d'un dimanche ensoleillé sur les terrasses, les manifestants ont poursuivi leur marche vers le sud jusqu'à la rue Sherbrooke. Là, ils étaient attendus par un imposant dispositif policier.

Explosions et projectiles

Deux explosions ont retenti lorsque les groupes sont arrivés face à face. Un projectile tiré par les policiers a fracassé la vitrine du Café Vienne. Un autre a terminé sa course dans la jambe de Jacqueline Perez.

Une infirmière bandait la plaie de Mme Perez lorsque La Presse l'a rencontrée. Elle fait partie du Comité des mères et grands-mères pour la justice et la vie et prenait part à sa première manifestation contre la brutalité policière.

«On est ici parce qu'on trouve qu'on n'a pas fait justice à Fredy Villanueva, a-t-elle indiqué. Je suis là pour appuyer les jeunes qui font cette manifestation depuis des années.»

Elle estime que ce sont les policiers qui ont provoqué les manifestants.

Après cet affrontement, peu après 15h30, un groupe s'est engagé vers l'ouest, rue Sherbrooke. Des casseurs ont mis le feu dans une poubelle et l'ont placée en plein milieu de la rue. D'autres ont fracassé une vitre du pavillon des sciences de l'UQAM et l'entrée d'un hôtel.

La foule a ensuite pris d'assaut la rue Sainte-Catherine, où des milliers de personnes faisaient leurs emplettes. Le passage du cortège n'a pas laissé de graves dommages près des centres commerciaux. Quelques vitrines ont été enduites de peinture blanche, mais sans plus.

La situation a dégénéré en face de la Place des Arts, lorsque les manifestants ont utilisé des matériaux de construction pour ériger des barricades et lancer des briques vers les policiers.

Après cet affrontement, des policiers armés de matraques et de boucliers ont encerclé une centaine de personnes près de la rue de Bleury. Pendant ce temps, les autres émeutiers se sont peu à peu dispersés.

En soirée, un groupuscule continuait de tenir les policiers en haleine, mais il n'y a pas eu plus de casse.

- Avec la collaboration de Violaine Ballivy