La congestion récurrente des autoroutes, des ponts et des grandes artères de la région de Montréal coûte plus de 1,4 milliard par année aux usagers de la route et aux entreprises, une hausse de 50% en seulement cinq ans.

Selon une étude rendue publique jeudi par le ministère des Transports du Québec (MTQ), les centaines de milliers d'automobilistes qui circulent quotidiennement sur les routes de la région métropolitaine perdent chaque année 76,8 millions d'heures, gaspillées dans les bouchons de circulation qui se forment pendant les périodes de pointe du matin et du soir, à Montréal et en banlieue.

La congestion frappe principalement les autoroutes et les grandes artères de la ville de Montréal, où est enregistré presque 60% du temps d'attente pendant les périodes de pointe matinales, et près de 70% des heures perdues à l'heure de pointe de l'après-midi.

Chaque jour ouvrable, le tiers des voies autoroutières et des grandes artères de Montréal sont ainsi affectées de façon récurrente par les embouteillages pendant les pointes de trafic. Entre 1998 et 2003, c'est dans l'île de Montréal que l'augmentation de la congestion routière chronique a été la plus marquée, en temps perdu ou en longueur des voies de circulation congestionnées.

Durant la même période, le nombre d'automobiles, de camions et d'autobus en circulation n'a pourtant augmenté que de 8%, estime le Ministère. L'augmentation disproportionnée du temps d'attente (49%), de l'étendue des réseaux routiers congestionnés (38%) et des «coûts socioéconomiques» de la congestion (50%) qui en résulte «s'explique par le fait qu'en 1998, le réseau fonctionnait déjà à saturation sur les tronçons les plus sollicités. L'ajout de la demande, même faible, à ces endroits a réduit considérablement la fluidité, et donc la vitesse de l'ensemble des véhicules empruntant ces corridors».

«Sur une base méthodologique comparable, conclut le document, nous estimons que le coût socioéconomique de la congestion routière est passé de 841 millions en 1998 à 1,264 milliard en 2003, soit une hausse de 50%.»

Les coûts additionnels d'utilisation des véhicules (114 millions) et des carburants (40 millions), de même que les coûts environnementaux (23 millions) des émissions polluantes et des émissions de gaz à effet de serre font grimper la facture annuelle à 1,423 milliard, selon la plus récente «évaluation des coûts de la congestion routière dans la région de Montréal», publiée par le MTQ tous les cinq ans.

La couronne nord plus touchée

Ce portrait de la congestion routière à Montréal et dans les banlieues repose sur des données réelles de déplacements recueillies auprès de 70 000 ménages de la région métropolitaine en 2003, dans le cadre d'une «enquête origine-destination» qui a permis d'estimer l'évolution des comportements et des besoins des usagers en termes d'infrastructures de transport.

Ces données ont permis au MTQ de «modéliser» près de 1,15 million de déplacements motorisés sur les routes de la région métropolitaine durant la période de pointe matinale, et plus de 1,3 million de déplacements en fin d'après-midi. La période de pointe de fin de journée est jusqu'à 15 % plus chargée qu'en début de journée, révèle l'étude.

La carte ci-contre illustre l'évolution du temps d'attente moyen des automobilistes qui veulent accéder au centre-ville de Montréal, le matin, de 6 h à 9 h. Globalement, le temps perdu dans des bouchons de circulation pour les automobilistes montréalais qui se dirigent vers le centre-ville s'est étiré de 30 secondes à deux minutes et demie en moyenne, selon le lieu d'origine de chacun.

La comparaison du temps d'attente entre 1998 et 2003 permet aussi de constater que la situation s'est détériorée de façon beaucoup plus marquée pour les automobilistes de la banlieue nord que pour ceux de la Rive-Sud et de la Montérégie.

Un usager de Longueuil, par exemple, qui perdait près de 20 minutes dans les embouteillages chaque matin en 1998, en perdait environ deux minutes et demie de plus cinq ans plus tard. Pendant la même période, un automobiliste de Sainte-Julie perdait près de 25 minutes dans la congestion en 2003, soit environ quatre minutes de plus que cinq ans auparavant.

En comparaison, les automobilistes de Laval et des villes de la couronne nord de Montréal ont vu leur temps d'attente moyen respectif s'étirer de presque six minutes et sept minutes et demie. Cette hausse représente presque le double de celle qui touche des banlieusards du Sud.

Selon le chef du service de la modélisation des systèmes de transports au MTQ, l'ingénieur Pierre Tremblay, «la différence s'explique probablement par l'augmentation de la population dans chacune des sous-régions. Laval et les villes de la banlieue nord ont connu les plus fortes augmentations démographiques au Québec durant ces mêmes années».

L'évaluation de ces temps d'attente «moyens» a toutefois des limites sur le plan méthodologique, et ne reflète qu'en partie la situation réelle vécue par des dizaines de milliers d'automobilistes dans la congestion des autoroutes et des grandes artères de la métropole. Ainsi, les calculs ne tiennent pas compte de plusieurs facteurs qui peuvent influencer grandement le temps perdu dans la congestion pour chaque automobiliste, comme l'heure de déplacement par exemple.

Un automobiliste de Laval qui quitte la maison à 6h15 en direction du centre-ville en empruntant l'autoroute 15 risque beaucoup moins d'attendre dans les bouchons que son voisin qui suivrait le même itinéraire, mais entre 7h30 et 8h15, au coeur de la pointe matinale.

De même, l'étude du MTQ se limite à évaluer les coûts de la congestion récurrente, soit celle causée quotidiennement par l'affluence d'une quantité de véhicules qui dépasse la capacité de circulation des infrastructures (ponts, autoroutes et grandes artères). La congestion «incidente», causée par des accidents ou par des chantiers de construction routière, n'est pas comptabilisée dans l'étude du MTQ.