Certains sont venus d'aussi loin que du Danemark, d'autres n'ont eu que quelques pas à franchir pour atteindre la ligne de départ... Le 25e Tour de l'île de Montréal a attiré une foule bigarrée de 35 000 personnes dimanche, bien au-delà des attentes des organisateurs. De quoi leur faire dire que Montréal est bel et bien devenue en un quart de siècle la capitale du vélo de l'Amérique du Nord. Rien de moins.

Charles Breton fait partie des irréductibles qui n'ont jamais raté un seul Tour. À l'automne 1985, quand il a vu le flot de cyclistes défiler devant chez lui, il n'a fait ni une ni deux et a enfourché sa petite reine. Il avait 57 ans. Il en a maintenant «82 et demi», et le mollet toujours bien ferme. «Le Tour, c'est ce qui m'a gardé aussi en forme. Je m'entraîne chaque semaine en pédalant 200, 250 km pour être sûr de pouvoir y participer chaque année», lance-t-il fièrement à l'arrivée, où il était parmi les premiers.

«Le circuit n'était pas trop dur, cette année, il n'y avait pas trop de côtes et il faisait beau», dit-il comme pour s'excuser de son exploit.

Il est vrai qu'il y avait une différence appréciable avec la météo glaciale de la première année du Tour, qui avait eu lieu en octobre par un frisquet 10° et sous un ciel mouillé. Le Tour a aussi perdu quelques longueurs au fil des ans, passant d'un peu plus de 70 km à 52 km hier, histoire d'attirer davantage de familles.

«Nous ne sommes pas là pour convaincre les gens de faire du vélo envers et contre tout, mais pour leur donner le goût d'en faire en ayant du plaisir», dit Joëlle Sévigny. présidente de Vélo Québec.

Un plaisir qui, visiblement, se communique, à entendre toutes les histoires de cyclistes qui affirment avoir été entraînés par un frère, un ami, un collègue et même une grand-mère de... 79 ans. Huguette Wilson a pédalé hier son 20e Tour avec son fils, sa petite-fille et ses deux arrière-petits-enfants ! «J'aime tout ! La fierté d'avoir accompli un exploit, les encouragements des bénévoles à chaque coin de rue, les applaudissements des passants et ce moment unique avec les membres de ma famille.»

Denise Turgeon, de Sherbrooke, se donne le défi d'enrôler chaque année une personne de plus dans l'aventure. Louise Lafrance, elle, n'a tout simplement pas donné le choix à ses cinq frères et soeurs : elle leur a glissé un dossard sous le sapin de Noël. La joyeuse bande, de 51 à 66 ans, a commencé à s'entraîner il y a deux mois. «C'était le cadeau idéal : on veut tous que nos proches soient en santé, et on aime tous passer de bons moments ensemble.»

Une seule ombre est venue ternir cette journée : un homme de 72 ans a dû être transporté d'urgence à l'hôpital à la suite d'un malaise cardiaque. Le reste de la journée s'est déroulée sans anicroche majeure, avec son petit lot de crevaisons et de genoux écorchés. Le départ, animé par des artistes du Cirque du Soleil, a été donné à l'heure pile. L'arrivée a été couronnée par un spectacle de Daniel Bélanger. «On est partis, il y a 25 ans, d'une toute petite activité organisée en six semaines à peine, et maintenant on attire des touristes de partout. Faire du vélo, ce n'est plus marginal, c'est une culture solidement implantée dans la ville», affirme Joëlle Sévigny.

Alors oui, bien sûr, le Tour aura lieu encore l'an prochain.

Le Tour à Bixi

Le moins que l'on puisse dire, c'est que Bernard Saint-Pierre n'est pas passé inaperçu sur la ligne de départ à côté des vélos de compétition des grands coureurs ou de ceux, bichonnés pour l'occasion, des promeneurs du dimanche. Il a enfourché hier matin une bécane qui n'est nullement destinée aux longues randonnées : un lourd et robuste Bixi.

Le nouveau réseau de bicyclettes en libre-service de Montréal a sauvé son Tour. «On m'a volé mon vélo il y a deux jours. J'ai essayé d'en emprunter un, mais aucun n'était disponible.» Ni aussi confortable, assurait le jeune homme avant de parcourir les 52 km du circuit... «Je n'ai pas eu de mal à me rendre jusqu'au départ alors je ne crois pas que j'aurai la vie plus difficile qu'avec un autre vélo.»

L'un des promoteurs du Bixi, le conseiller municipal André Lavallée, a tout de même reconnu hier que la côte Berri n'avait pas été de tout repos à grimper en Bixi... «Disons qu'à certains moments j'aurais profité d'une quatrième ou d'une cinquième vitesse. Mais ce n'est pas un vélo conçu pour les longues distances!» a-t-il rappelé.

Ne ratant pas une occasion de faire la promotion du service, André Lavallée a aussi fait le Tour de New York en Bixi le mois dernier. «Là, c'était vraiment le vélo idéal. Il pleuvait des cordes, les autres cyclistes ont eu des problèmes de mécanique, mais pas mon Bixi, très robuste.» Et surtout, il lui a valu un article dans le New York Times...