La Ville de Montréal a beau nettoyer ses trottoirs aux abords des bars du centre-ville, ils sont jonchés de gommes à mâcher qui forment des taches noires bien peu agréables à voir.

«C'est vrai que c'est assez flagrant, ce côté dalmatien des trottoirs, nous a dit un touriste suisse, Gilles Gurtner, croisé hier matin devant le bar Radio Lounge, au 3614, boulevard Saint-Laurent. On apprend à nos enfants à ne pas jeter leurs chewing-gums dans la rue. En plus, c'est dégoûtant de marcher dessus.»

Des commerçants du boulevard Saint-Laurent sont désespérés de constater que les trottoirs, refaits l'an dernier, sont déjà maculés de ces taches entre la rue Sherbrooke et l'avenue des Pins. Et ailleurs au centre-ville, près des bars où les jeunes attendent en file avant d'entrer... et jettent leur gomme par terre.

«C'est épouvantable, dit Gordon Bernstein, président de la Société de développement du boulevard Saint-Laurent. On est en train de faire des démarches pour louer les services d'un dégommeur en septembre. Mais notre budget est mince. On devra prévoir de l'argent l'an prochain, car le Plateau n'en a pas.»

Au centre-ville, l'organisme Destination Centre-ville fait déjà les trottoirs près de certains hôtels.

Alexandre Fernandes, qui a ouvert le Papas, Tapas & Martini, un restaurant voisin du Radio Lounge, n'en revient pas. «C'est dégoûtant, dit-il. En plus, chaque jour, je dois nettoyer ma façade. Ce serait bien que la Ville nettoie plus souvent.»

Nous avons appelé le Radio Lounge, propriété de Patrick D'Aquino. L'interlocuteur, qui n'a pas voulu dire son nom, nous a dit que les gommes sur le trottoir ne le dérangent pas. «Ça fait partie de la business, a-t-il dit. C'est la même chose à New York, en France ou en Italie.»

Réaction différente de Chadi Elhajj, actionnaire du Café République, au coin de la rue Prince-Arthur. «Ça dérange, mais que voulez-vous, il faut éduquer les jeunes, dit-il. Ils sont plutôt négligents.» Hier, nous avons vu deux endroits sur le boulevard Saint-Laurent où des gommes ont été grattées, mais il restait quand même des traces de saletés.

«À Singapour, il est interdit de mâcher de la gomme en marchant, dit M. Bernstein. Ici, on n'irait pas si loin, mais il faut que les gens respectent l'environnement.» Pascale Gurtner, conjointe du touriste suisse, dit que «c'est une pure question d'éducation». D'ailleurs, son jeune fils Noé a fait remarquer qu'il avait été choqué de voir «quelqu'un cracher sa gomme dans le métro».

Mais pour Rad, vendeur à la Tabagie Saint-Laurent, la police «a d'autres chats à fouetter» que de donner des constats d'infraction à des gens qui jettent leur gomme par terre. «À Ottawa, ce n'est pas comme ça, dit-il. Ici, les gens jettent même leurs restes de pizza par terre. Si ce n'est pas malheureux, quand on sait combien ça a coûté de refaire ces trottoirs. Et avec du granit, monsieur !»

Dans Ville-Marie, des initiatives ont été prises. «Une vingtaine de constats ont été remis depuis un an, dit Patrick-Jean Poirier, relationniste de l'arrondissement. Le règlement sur le civisme, le respect et la propreté date de 2007. L'an passé, il y a eu une campagne de sensibilisation sur la cigarette et les gommes. On a un projet pilote en ce moment dans le Quartier des spectacles. On gèle les gommes et ensuite on les enlève.»

Le touriste suisse Gilles Gurtner lance l'idée d'installer plus de poubelles sur les trottoirs et, pourquoi pas, de plus petites, conçues pour les gommes, à l'image de celles qui existent pour les cigarettes.