Un petit oiseau qui aurait épié les tractations entre Québec, Montréal et le gouvernement Harper pour le retour du Grand Prix à Montréal aurait eu une impression étrange.

Autant que Montréal, le gouvernement Charest a exercé une pression certaine pour accélérer les choses, comme si lui aussi avait à se présenter aux urnes le 1er novembre.Finalement, l'annonce du retour du Grand Prix se fera avant que les Montréalais aillent voter. Une foule d'annonces du gouvernement du Québec sont ainsi tombées à temps pour l'administration de Gérald Tremblay. Avec le début de la campagne officielle, la semaine dernière, "les gens vont se garder une petite gêne", assure-t-on déjà à Montréal. Mais à Québec comme à Montréal, le même mot revient pour décrire les rapports entre le gouvernement et l'administration Tremblay: "complicité".

Ainsi, on confirmera sous peu le remplacement de 1000 voitures du métro, devenues désuètes. La bonne nouvelle touche avant tout Bombardier - ce contrat d'un peu plus de 3 milliards en 10 ans sera le plus important de son histoire. Mais le candidat Tremblay ne sera pas trop loin du ministre des Transports le jour de l'annonce.

De même, la ministre Julie Boulet, habituellement si discrète, n'a pu se retenir pour prédire une annonce imminente au sujet de la voie réservée aux autobus sur le boulevard Pie-IX.

Il y a deux semaines, on a aussi annoncé la mise en place d'un bureau d'étude pour le prolongement du métro. Même Jean Charest s'est déplacé pour se retrouver sur la même tribune que Gérald Tremblay.

Parmi les autres annonces de Québec libérées au bon moment pour Gérald Tremblay, on remarque le feu vert donné début septembre à la place des Festival après sept ans de tergiversations et l'annonce par Montréal d'un plan de 240 millions pour le compostage - avec l'assurance que Québec va sortir encore son chéquier.

L'annonce d'une escouade spéciale pour contrer les crimes financiers et la fraude dans le milieu municipal était plus délicate à faire atterrir. Il fallait éviter d'accabler l'administration de la métropole, qui a eu plus que sa part de ces problèmes.

Hasard incroyable, Gérald Tremblay avait précisément l'intention d'en faire la demande à Québec. Tout était prêt pour la réunion du comité exécutif. Seuls des cyniques pourraient croire qu'on lui avait un peu soufflé à l'oreille.

Par ailleurs, le nouveau ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard, après la publication du rapport du vérificateur sur le contrat des compteurs d'eau, s'est contenté de dire: "Il appartiendra aux Montréalais de choisir", tout en soulignant que le rapport du vérificateur constatait "qu'aucune loi n'avait été transgressée".

Photos de famille...

Cette connivence entre le gouvernement libéral et l'organisation de Gérald Tremblay s'explique facilement: une bonne partie des stratèges et des élus d'Union Montréal viennent directement du PLQ.

M. Tremblay lui-même a été ministre libéral à Québec. Claude Dauphin, le président du comité exécutif, a été député libéral avant d'être maire de Lachine, tout comme Michel Bissonnet, élu désormais dans Saint-Léonard.

Les candidats Gilles De Guire et Monica Enricourt viennent directement du cabinet de la ministre Line Beauchamp. M. De Guire vise d'ailleurs à remplacer Marcel Parent, un autre ancien député libéral. Cosmo Macciocia, qui ne se représente pas, a aussi été longtemps à Québec avant de briguer un poste municipal. Dans Villeray-Parc-Extension, Annie Samson, candidate d'Union Montréal à la mairie de l'arrondissement, n'est jamais loin du libéral Emmanuel Dubourg. Au surplus, l'arrivée de Louise Harel a galvanisé aussi les libéraux dans l'est de Montréal. L'effet aurait été bien différent si un Pierre Marc Johnson s'était présenté contre Tremblay, reconnaît-on.

Mais si l'on sort les photos de famille des années 80, les "coïncidences" sont nombreuses. Stéphane Forget a été adjoint de Liza Frulla au parlement de Québec avant de devenir chef du cabinet de Gérald Tremblay, où il a remplacé Jean-Luc Trahan, ancien permanent du PLQ, lequel avait pris la place de Martial Fillion, autre vétéran du PLQ, qui avait grandi sous la houlette de Claude Ryan.

Surtout, l'organisateur de la campagne et directeur d'Union Montréal, Richard Mimeau, a été permanent au Parti libéral du Québec pendant 20 ans. Il avait fait le saut à Ottawa par la suite avec Paul Martin.

Jamais très loin, on retrouve André Morrow, l'un des stratèges de la campagne de Jean Charest en 1998. John Parisella reste à la disposition du maire quand ce dernier sollicite ses lumières. "Ce sont des amis depuis 20 ans", rappelle-t-on.

Illustration(s) :

photo Bernard Brault, archives La Presse