Après avoir passé les derniers mois à promettre un ménage à l'hôtel de ville, Benoit Labonté quitte la politique, éclaboussé par le scandale. Incapable de dissiper les doutes sur ses sources de financement, l'ex-bras droit de Louise Harel s'est vu montrer la porte par sa chef, dimanche.

Ce sont finalement ses présumées relations avec des entrepreneurs de la construction qui ont mené à la chute de l'ex-numéro deux de Vision Montréal. Des reportages diffusés sur RueFrontenac.com, à Radio-Canada et à TVA dans les derniers jours révèlent qu'il a reçu des dizaines de milliers de dollars en dons pendant la course à la direction du parti.

Samedi, Benoit Labonté a nié en bloc les allégations formulées à son endroit, tout en annonçant qu'il n'agirait plus à titre de lieutenant politique de Louise Harel, ni de chef de l'opposition officielle. Mais le soir, TVA a révélé qu'il a eu deux rencontres et six échanges téléphoniques avec Tony Accurso, l'homme au coeur du scandale des compteurs d'eau.

Louise Harel affirme qu'elle a sommé son bras droit de dissiper les doutes sur ces nouvelles révélations, dès l'aube dimanche. Mais comme celui-ci a refusé de se rendre dans les studios de TVA pour rétablir les faits, elle a exigé sa démission.

«Benoit Labonté n'a certainement pas été à la hauteur de ce que je pensais puisque je m'attendais à ce qu'il aille dissiper les doutes à la station de TVA, ce qu'il a dit ne pas vouloir faire», a-t-elle indiqué.

L'ex-chef de l'opposition a donc écrit au Bureau des élections de Montréal pour annoncer sa démission.

«Les insinuations de malversations, qui ont été avancées et qui portent atteinte à ma réputation, entachent le processus démocratique que nous traversons et m'empêchent de remplir adéquatement mes fonctions de candidat», a-t-il écrit.

C'est Pierre Lampron qui le remplacera comme bras droit de Louise Harel. Très engagé dans le milieu culturel, le candidat du district du Vieux-Rosemont était vice-président aux relations institutionnelles de Quebecor Media avant de faire le saut en politique.

Comme elle l'avait fait samedi, la chef de Vision Montréal a une fois de plus appelé les sources anonymes qui sont à l'origine des reportages de RueFrontenac.com, de Radio-Canada et de TVA à sortir de l'ombre.

«Dans une société démocratique, porter des accusations à visage caché n'a pas de bon sens», a-t-elle déclaré.

Pas de commentaire

Selon nos informations, Benoit Labonté a définitivement mis une croix sur la politique, et compte s'employer à blanchir sa réputation. Se sentant traqué, il est allé vider son bureau de l'hôtel de ville avec des membres de son personnel politique, avant de le quitter durant le point de presse de Louise Harel. Il aurait décidé de fuir la ville pour quelques jours.

Croisé à sa sortie un peu après 15 h, il a refusé de répondre à nos questions. Il est rapidement parti en voiture en saluant de la main après avoir décroché quelques sourires pour l'objectif du photographe de La Presse. Son attachée de presse, Caroline Martel, a ensuite ajouté qu'il n'accorderait pas de commentaires pour le reste de la journée.

Selon nos informations, Louise Harel a convoqué Benoit Labonté à une rencontre à l'hôtel de ville, dès samedi matin. À la fin de la matinée, les deux sont ressortis en s'entendant pour que le chef de l'opposition démissionnaire demeure candidat à un poste de conseiller de l'arrondissement de Ville-Marie, toujours sous la bannière de Vision Montréal.

Les événements se sont toutefois bousculés à la suite du point de presse de Louise Harel, en après-midi samedi, dans lequel elle a qualifié l'affaire «d'assassinat politique», et enjoint les sources anonymes à joindre le directeur général des élections (DGEQ).

En fin de soirée, l'une de ces sources a joint Mme Harel pour la prévenir que si elle ne demandait pas la démission de Benoit Labonté, de nouvelles informations embarrassantes allaient s'enchaîner jusqu'au 1er novembre, a appris La Presse. Le bulletin TVA 22 heures révélait à ce moment que 25 000 $ et une enveloppe brune remplie de liasses d'argent avaient été remis à M. Labonté.

Dimanche matin, Louise Harel a donc de nouveau joint Benoit Labonté, le sommant de démissionner. Démoli, son ancien bras droit s'est ensuite rendu à la boîte de relations publiques National, où il y a passé une bonne heure, a-t-on expliqué. Benoit Labonté a décidé de ne pas tenir de point de presse pour justifier la décision, ni d'accorder d'entrevues aux médias.

Union Montréal en cause?

Louise Harel a par ailleurs laissé entendre que les «doutes» qui sont attribués à Benoit Labonté mettent aussi en cause le parti de Gérald Tremblay, Union Montréal. Car les faits se sont produits alors que François Purcell était président de Vision Montréal, tandis que Robert Laramée en était le directeur général. Or, dit-elle, ces deux hommes se sont joints à l'équipe du maire.

«Benoit Labonté est le bouc émissaire d'un système de financement qui a très certainement infiltré le parti du maire Tremblay aussi», a-t-elle affirmé.

Joint par La Presse, Robert Laramée a toutefois nié être engagé dans l'une ou l'autre des formations politiques qui briguent la mairie.

«J'aimerais bien qu'elle fournisse des preuves ou des informations selon lesquelles je suis impliqué, de près ou de loin, dans la campagne d'Union Montréal», a-t-il affirmé.

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Qui est Pierre Lampron?

Le nouveau bras droit de Louise Harel, pressenti pour devenir président du comité exécutif en cas de victoire, est candidat au poste de conseiller de ville dans le district de Vieux-Rosemont. 

Pierre Lampron est associé de près au monde culturel et a dirigé plusieurs organismes. Il a été directeur du bureau de Téléfilm Canada à Paris, président de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) et président de TV5 Amérique.

Il a fait aussi partie de plusieurs conseils d'administration reliés à la culture: Association canadienne des radiodiffuseurs, Fonds canadien de la télévision, Montréal, capitale nationale du livre, Usine C, Théâtre du Rideau Vert, UQAM. Il a aussi été vice-président chez Quebecor Media, après avoir été PDG de TVA International.

Depuis janvier, il oeuvrait comme consultant en communication et en gestion d'entreprises culturelles. C'est la première fois qu'il se présente comme candidat dans une élection municipale.

- Sara Champagne