Montréal est, parmi les régions du Québec, le paradis des «Bougon». Chaque année, la moitié des contribuables épinglés par Revenu Québec, quand le fisc compare les revenus et les dépenses, proviennent de la métropole.

Le mécanisme appliqué depuis près de 10 ans maintenant s'appelle «l'indice de richesse». Revenu Québec a le droit, avec la bénédiction de la Commission d'accès à l'information, de coupler plus d'une soixantaine de fichiers gouvernementaux, des bases de données qui lui permettent de vérifier si vous avez immatriculé une Mercedes tout en déclarant 20 000 $ de revenus annuels.

Afin de déterminer si votre train de vie correspond à votre revenu, le fisc a même accès à vos gains à Loto-Québec, à votre compte d'électricité et à votre impôt foncier. Depuis deux ans, Revenu Québec examine même les déclarations de vos locataires, flairant les oublis de revenus locatifs.

Vous brassez le tout, et passez dans un filtre ; l'écart entre les revenus normalement nécessaires pour vos dépenses et votre revenu déclaré peut dépasser plusieurs milliers de dollars, sans que votre nom sorte au tirage des «Bougon» de Revenu Québec.

En vertu de la Loi sur l'accès à l'information, La Presse a obtenu de Revenu Québec la ventilation, par région et par secteur d'activité, des sommes récupérées à la suite ce ces coups de sonde depuis 2002.

Conclusions étonnantes

Les conclusions sont étonnantes. D'abord, la méthode semble montrer désormais ses limites ; on a amassé 42 millions auprès de ces faussaires en 2004-2005, 37 millions en 2006-2007. Depuis deux ans, l'aiguille paraît bloquée à 21 millions d'avis de cotisation. Depuis 2002, on a récupéré 213 millions d'impôts en identifiant des gens qui déclaraient des revenus sans rapport avec leur train de vie.

La géographie de la fraude fiscale est étonnante. L'île de Montréal compte bien plus de «Bougon» en proportion de son poids démographique au Québec. Depuis 2002, 91 millions d'impôts non payés, somme déterminée grâce à «l'indice de richesse», ont été recueillis dans l'île de Montréal. La deuxième région arrive bien loin derrière ; la Montérégie, avec 31 millions de fraudes. Les Lavallois sont exemplaires, avec 14 millions.

Dans l'île de Montréal, les dépenses ne correspondent pas du tout aux revenus déclarés de près de la moitié des gens. On a réclamé une somme de 8 millions l'an dernier, sur un total de 21 millions dans l'ensemble du Québec.

Constat étonnant, en dépit de tout le tapage sur la corruption dans le monde de la construction, ce secteur ne se distingue pas par la valeur des sommes récupérées. Revenu Québec a envoyé des réclamations totalisant 683 000 $ à des contribuables travaillant dans ce secteur l'an dernier, un peu plus que le quart du niveau record de 2005, 2 millions. L'an dernier, on n'avait récolté que 247 000 $ dans ce secteur.

Le secteur des immeubles, des assurances et des finances compte sa part de faussaires ; 418 000 $ récupérés l'an dernier, le quart d'une «grosse année», comme 2004. Le secteur du transport est le seul à rivaliser avec celui de la construction au palmarès avec 677 000 $ récupérés - cette fois, il s'agit d'une augmentation importante dans les trois dernières années.

- Avec la collaboration de William Leclerc