Le maire d'Anjou, Luis Miranda, est parti en vacances au Portugal avec des amis entrepreneurs qui font des affaires avec l'arrondissement, notamment Florindo Baldissin et Antonio Di Lillo. M. Baldissin a aussi réalisé des travaux dans la maison du maire, qui dit qu'il n'y a rien d'anormal car il n'a «jamais favorisé» ces gens d'affaires. Alors qu'il reconnaît avoir rencontré Tony Accurso à plusieurs reprises, M. Miranda estime être victime de «salissage».

Luis Miranda n'est pas content. Il y a trois semaines, l'hebdomadaire Le Flambeau de l'Est a écrit que l'entreprise Paysagiste Ligne Royale, de Florindo Baldissin, a obtenu 3,5 millions de contrats en quatre ans. Un professeur de l'École nationale d'administration publique a jugé que ces contrats avaient été donnés à la suite de «faux appels d'offres». Le directeur général de l'arrondissement, Jacques Rioux, et le maire ont réfuté ce jugement, disant qu'il s'agit d'un malentendu et de mots qui pouvaient porter à confusion et faire penser que l'entrepreneur avait obtenu des avantages.

 

Le journal a publié une photo prise lors des élections de 2005. On y voit M. Baldissin près de M. Miranda. Un autre professeur de l'ENAP, Serge Belley, a dit à l'hebdomadaire: «Sur le plan de la transparence et de l'intégrité, le maire devrait éviter tout type de relation avec un fournisseur de services de son arrondissement, qui plus est, si ce dernier soumissionne sur des contrats encore ouverts. Sinon, il s'expose à devoir rendre des comptes.»

La semaine dernière, La Presse a rencontré Luis Miranda dans son bureau. Il a confirmé nos informations selon lesquelles il est parti en vacances avec la conseillère d'Anjou Michelle Zammit (une «relation») et M. Baldissin dans l'île de Sao Miguel, aux Açores, où M. Miranda est né et a de la famille. L'ex-conseiller Vincenzo Rotiroti était également présent. M. Baldissin a dit à La Presse, hier, être allé «plusieurs fois» en vacances à cet endroit avec le maire, «mais aussi sans lui».

«Ce sont des voyages organisés, dit Luis Miranda. J'ai été mandaté par les gens de là-bas pour faire la promotion des Açores. Dans ces voyages, oui, on est tous dans le même avion et dans le même hôtel, mais chacun fait son affaire. Et je n'ai jamais parlé de contrats avec M. Baldissin.»

Le maire dit que chacun paie son billet et que cette proximité avec un fournisseur ne pose pas de problème, car, dit-il, il ne se mêle jamais des soumissions, des appels d'offres ou des contrats passés avec des entreprises. «Je ne valide pas les soumissions, dit-il. Si j'avais à faire l'évaluation de la soumission, il y aurait un problème, mais je ne le fais pas.»

Le rôle de Michelle Zammit

Le maire ne propose ni n'appuie les résolutions du conseil d'arrondissement pour attribuer des contrats. Par contre, nous avons trouvé cinq résolutions que Michelle Zammit, partie en vacances avec M. Baldissin, a proposées ou appuyées afin d'accorder des contrats à l'entreprise de M. Baldissin, dont une le 1er septembre 2009 pour majorer un contrat de 1 448 200,36$ passé avec Paysagiste Ligne Royale de 100 000$ supplémentaires, relativement à l'aménagement d'un terrain de soccer.

Le maire a aussi reconnu avoir fait réaliser pour 145 000$ de travaux dans sa maison ces deux dernières années, dont 70 000$ par Ligne Royale. Il a montré les copies des chèques faits pour les payer. «Je n'ai pas eu un traitement de faveur de sa part», dit-il, ajoutant qu'il fait affaire avec M. Baldissin car il le connaît depuis 30 ans et que son entreprise fait du bon travail.

Le maire reconnaît qu'il prend une bière ou un café avec lui après les séances du conseil d'arrondissement. M. Baldissin s'est engagé dans la campagne du maire en 2005. Il a donné 1000$ à Union Montréal en 2008. «Où est le favoritisme? dit le maire. On prend toujours le plus bas soumissionnaire et pour le terrain de soccer, on a fait les travaux pour moins cher que partout au Québec.»

Critiques de Rémy Tondreau

Le seul conseiller d'Anjou qui s'est joint à Vision Montréal, Rémy Tondreau, critique les liens de M. Baldissin avec le maire. «Il a participé à des dîners de reconnaissance de bénévoles, notamment un où M. Miranda m'a demandé d'aller remercier M. Baldissin car c'est lui qui payait le repas. Je m'étais fait dire que je l'avais remercié trop fort.» Luis Miranda ne se souvient pas de ce repas et M. Baldissin dit que c'est faux. «J'ai payé le repas pour lui et ses bénévoles et il ne m'a jamais remboursé», dit-il.

M. Tondreau reproche à l'administration Miranda d'avoir organisé au Club de golf métropolitain d'Anjou, dont le propriétaire est Antonio Di Lillo, un repas de Noël dont il a été exclu en 2008. «Les élus et les cadres étaient là, sauf moi! C'est rendu que les cadres vont à des soirées avec l'équipe du maire. On m'avait dit que ce n'était pas l'arrondissement qui payait. En public, le maire a dit que les élus avaient payé la soirée.»

La Presse a demandé à M. Miranda si Antonio Di Lillo, qui prépare un ensemble résidentiel sur des terrains d'Anjou, est lui aussi allé aux Açores avec lui. Luis Miranda a d'abord répondu «non», puis «oui, une fois». M. Di Lillo n'a pu être joint, hier.

M. Miranda a aussi rencontré à plusieurs reprises l'homme d'affaires Tony Accurso, dont l'entreprise Louisbourg réalise actuellement des travaux d'infrastructures sur le boulevard Roi-René, à Anjou. «Je l'ai rencontré il y a une dizaine d'années lors d'activités de financement, comme tout le monde.» Une dizaine de fois? «Peut-être, a répondu M. Miranda. Peut-être moins. Mais non, même pas une dizaine de fois.» Sur son bateau? «Non, j'ai le mal de mer.»

Votre parti a-t-il été financé par M. Accurso? «Je ne crois pas», dit-il, ajoutant qu'il n'a pas besoin de financement car les élus angevins donnent l'argent nécessaire pour que son parti fonctionne normalement.

Pour joindre notre journaliste: eric.clement@lapresse.ca