Fort d'un sondage qui le donnait à égalité avec Gérald Tremblay et Louise Harel à deux jours du jour J, Richard Bergeron, chef de Projet Montréal, a cru jusqu'à la dernière minute en ses chances de devenir le Régis Labeaume de la métropole. Petite incursion dans les coulisses des derniers jours de la campagne d'un politicien hors normes.

Jeudi, 6 h 45. Le soleil n'est pas encore levé. Richard Bergeron arrive à Radio-Canada en trombe. «C'est bien à la radio, l'entrevue?» demande-t-il, inquiet. Confirmé. Chemin faisant, il avait été pris d'un doute et craignait d'être vu en jean à l'écran.

M. Bergeron se fait résumer le contenu des journaux par son conseiller politique. Il apprend que le chroniqueur municipal vedette de The Gazette recommande à ses lecteurs de voter pour lui.

Richard Bergeron entre en ondes. Le premier café n'a pas encore fait son effet qu'il lui faut sortir son plus bel anglais, appris à raison de quatre heures de cours privés hebdomadaires depuis deux ans.

Coup sur coup, l'animatrice de CBC l'assomme en trois questions.

Première question : c'est vrai, ça, que vous avez une théorie bien particulière sur le 11 septembre?

Deuxième question : c'est vrai, ça, que vous pensez que la cigarette est bonne pour la santé?

Troisième question : êtes-vous fédéraliste ou souverainiste?

«Je n'ai pas à répondre à cette question», répond M. Bergeron, qui a déjà rembarré l'animatrice aux deux autres qui ont précédé.

Richard Bergeron juge l'entrevue hautement insignifiante et ça ne manque pas de transpirer, même dans son anglais un peu hésitant teinté de son accent du Lac-Saint-Jean.

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Jeudi et vendredi, on ne prendra pas la voiture une seule fois. Pas plus que le métro ou l'autobus. On marche, on marche et on marche encore. Pour réaliser que Papineau-Ontario et Saint-Laurent-La Gauchetière, c'est vrai que c'est très vite fait à pied.

Nous arrivons chez Richard Bergeron, qui mange un bol de céréales tout en lisant plus à fond les journaux. Il s'indigne, s'indigne et s'indigne encore.

S'il devient maire et continue d'avoir la mèche courte comme ça, l'ulcère d'estomac n'est pas loin, suggère-t-on. «Pas du tout. Moi, je vais être le Régis Labeaume de Montréal. Quand je serai élu maire, les critiques se tairont.»

Ses ongles sont rongés au possible, il dit prendre une douzaine de cafés par jour mais assure qu'il n'est jamais stressé. «Pourquoi le serais-je? Le pire qui puisse m'arriver, dimanche, c'est que mon salaire triple.»

Pendant longtemps, racontera-t-il plus tard, il a été considéré comme le «mononcle» à ne pas imiter, celui qu'il faut inviter pour faire lever un party mais que l'on ne doit surtout pas prendre pour modèle côté plan de carrière.

De fait, avant qu'il ne se découvre une vocation municipale réelle, son parcours est loin d'avoir été un long fleuve tranquille. Perdre un emploi, il sait ce que ça fait, et la valeur de l'argent, il connaît, lui qui est si fier de dire à la ronde, sans faux-fuyant, qu'il a payé 191 000$ son appartement en plein centre-ville et qu'il vaut aujourd'hui de l'or.

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On se rend (à pied) aux studios du 98,5 FM, où les trois chefs sont invités à débattre. Richard Bergeron échange quelques mots avec Gérald Tremblay. Entre Tremblay et Harel, comme d'habitude, pas un regard.

Louise Harel réclame que l'on refasse le tirage au sort qui détermine l'ordre de parole de chacun puisqu'il a été fait en l'absence des trois chefs.

Pendant le débat, Richard Bergeron, tout feu, tout flamme, distribue les jabs. Quand Paul Arcand le prie de laisser finir Louise Harel, il s'exclame: «Mais c'est supposé être un débat !»

Plus question pour lui de ramper devant les deux autres, raconte-t-il ensuite. «C'est rendu que j'aime ça, les débats! La première fois, à l'émission de Benoît Dutrizac, j'étais mauvais. Je n'avais jamais fait ça, moi, un débat. Comme je connaissais Benoît Dutrizac, je l'appelais par son prénom en ondes et, par politesse, je n'osais jamais interrompre les deux autres. En plus, quand les deux autres s'obstinaient entre eux, moi, physiquement, je me mettais en retrait. Je sais maintenant qu'il faut toujours rester dans le coup, protéger son territoire.»

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Après un dîner avec trois leaders musulmans où il a été difficile au possible de briser la glace, Richard Bergeron se rend à son local de campagne.

«Bon, là, ça a l'air que le magazine Maclean's dit que je suis fou.»

Pour ses collaborateurs, il y a plus grave que le Maclean's. Il y a une nouvelle crise à désamorcer. Voilà que vient de refaire surface une vieille entrevue à RDI datant d'il y a 10 ans où Richard Bergeron confesse son passé de chauffard et critique la conduite automobile des femmes, devenue à son avis aussi erratique que celle des hommes. Le conseiller politique s'affaire à appeler personnellement les chroniqueurs pour leur signaler que la source de cet assassin collage de vieux extraits, c'est Vision Montréal.

Ce qu'écrivent chroniqueurs et éditorialistes est sans cesse scruté à la loupe. Pas une heure ne passe, d'ailleurs, sans que Richard Bergeron dise toute son amertume quant au fait qu'on ait écrit ceci ou cela.

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Le chef décide de donner quelques petits coups de fil d'encouragement à ses candidats. «C'est inquiétant, à part ma candidate de 78 ans, ils sont tous à la maison quand j'appelle!»

Trois émissaires du sport d'élite montréalais viennent rencontrer le chef de Projet Montréal. Il les reçoit avec un suçon dans la bouche.

«Savez-vous, j'haïrais pas ça, en avoir un aussi!» lance l'un des interlocuteurs.

Certes, la rencontre est sympathique, mais une heure entière, pour quoi ? Pour trois votes, au mieux?

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Vendredi matin

Un dernier sondage sort dans La Presse. Richard Bergeron est deuxième, à deux points de Louise Harel.

Richard Bergeron soupire d'aise mais reste réaliste, conscient de la fidélité des électeurs de son adversaire. «Les 30% de Gérald sont plus solides que mes 32%», analyse-t-il.

Dans quelques heures, Richard Bergeron donnera la dernière conférence de presse de sa campagne.

«John (Gomery) sait-il que je vais annoncer qu'il sera mon bras droit dans mon comité de transition?»

Oui, oui, il sait, on a réussi à le joindre - ce qui n'est pas évident, car John Gomery n'a pas de cellulaire.

«Vous allez d'abord parler du comité de transition, puis contre-attaquer sur le montage vidéo en rappelant que c'est du salissage du clan Harel», résume le conseiller politique.

«Je vais ajouter que les Montréalais en ont marre, de cette vieille façon de faire de la politique...»

Marre? Non, non, dites plutôt qu'ils «en on assez», corrige le conseiller politique, qui juge par moments que le langage de M. Bergeron est un peu trop châtié dans le contexte québécois.

O.K., O.K., consent M. Bergeron, «mais je me garde quand même une marge de manoeuvre. Je vais peut-être dire que ça a été bien agréable de me voir 10 ans plus jeune dans la vidéo.»

Non, non, non, sermonne le conseiller politique. «Là, ce n'est plus le temps de faire des blagues.»

On fait à Richard Bergeron la nomenclature des artistes qui seront là pour l'appuyer. Parmi ceux-là, Amir Khadir, député de Québec solidaire.

«Il est dans l'industrie du spectacle, Amir?» rigole Richard Bergeron.

Et le sondage? Que dire sur le sondage? «Soyez content, mais pas triomphaliste.»

«Inquiète-toi pas, je ne vais quand même pas lancer de grand cri primal.»

Une journaliste de RueFrontenac.com - le site internet des employés en lock-out du Journal de Montréal - assiste elle aussi au briefing du matin, avec un photographe et un caméraman.

Amina, la femme de Richard Bergeron, éloigne l'assiette de biscuits. «Richard, il ne faut pas parler la bouche pleine à la caméra.»

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La conférence de presse va rondement, «et ça ce serait tout aussi bien passé si je n'avais pas eu ce briefing préalable de mon équipe de communication», lance Richard Bergeron, convaincu que la population veut un politicien le plus naturel possible.

«Moi, l'hystérie communicationnelle... Quand je pense qu'ils m'ont même obligé à me couper les cheveux!»

«Ça, c'était avant que j'arrive, corrige Joël. Je n'y suis pour rien, mais c'était une excellente décision.»

Par contre, Richard Bergeron n'en démord pas: aussi charmante était-elle, la sémiologue venue le conseiller sur «le langage du corps» était de trop. «Le coup du stylo à avoir en main pendant une entrevue pour se donner une contenance, ça va, c'est pas compliqué, on n'a qu'à me le dire une fois et j'ai compris.»

Richard Bergeron sait très bien aussi qu'il n'est pas souhaitable d'être vu à la télévision en train de se ronger les ongles, comme ça lui est arrivé il y a quelques années alors qu'il se croyait hors champ.

De retour à la maison, Richard Bergeron raconte à son fils comment s'est déroulé le point de presse. «Tu aurais dû voir ça, c'est fou de vivre ça, d'avoir tous les flashs de caméra dans les yeux. Les journalistes te posent des questions et t'es si ébloui que parfois tu ne vois même pas leur visage.»

«Une campagne électorale, c'est une chose que chacun devrait se payer au moins une fois dans sa vie.»

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En milieu d'après-midi, Richard Bergeron est de nouveau invité dans les studios de CBC. L'entrevue ne portera que sur une chose: la fameuse vidéo d'il y a 10 ans.

«Ça, c'était un piège. Je n'avais pas d'affaire ici. Plus on parle de ça, plus on donne de la dimension à quelque chose qui n'en a pas», peste Richard Bergeron au sortir du studio. «Quand ils ont foutu le deuxième extrait, j'aurais dû me lever et sortir du studio. Si l'entrevue avait été en français, j'aurais été beaucoup plus tranchant et l'animateur n'aurait pas eu le choix de changer de sujet.»

Deux minutes plus tard, le nuage est passé. À 16 h, Amina, sa femme, sert le thé à la ronde, avec des douceurs dont quelques-unes viennent directement du Maroc. «Ma mère les cuisine et nous les envoie par la poste. Quand ça arrive ici, c'est encore tout frais.»

Comme le personnel politique de Tremblay et de Harel ne se parle pas, c'est celui de Richard Bergeron qui doit jouer les entremetteurs et s'assurer de coordonner la soirée de dimanche - qui prononcera son discours en premier, par exemple.

Richard Bergeron décide de se reposer quelques heures. «Pour moi, la campagne est terminée, et j'ai gagné. La conférence de presse de cet après-midi, c'était le dernier acte.»

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On le rejoint à une soirée grecque dans Outremont. Gérald Tremblay est arrivé plus tôt, a serré rapidement des mains puis est reparti dare-dare convaincre d'autres électeurs au Festival du monde arabe.

Richard Bergeron, lui, est arrivé à la fin du cocktail. Il n'a pas serré de main, mais il a piqué une jasette avec des adversaires politiques qu'il aime bien - Marcel, le frère du maire, par exemple.

Une fois dans la salle, les organisateurs saluent au micro tous les politiciens du camp Tremblay, puis tous les invités d'honneur. «Ils en sont au vendeur de tapis et ils ne m'ont pas encore nommé», fulmine Richard Bergeron.

On vient lui expliquer que c'est parce qu'il n'a pas de «titre officiel». «Je suis conseiller municipal, chef de Projet Montréal et candidat à la mairie. C'est pas un titre, ça?»

On l'assure qu'on soulignera sa présence plus tard. Deux heures plus tard, toujours rien.

«Vous partez déjà? J'allais justement parler de vous dans mon discours, tout à l'heure», lui dit un organisateur.

On soupçonne le maire Tremblay, lui, d'être déjà dans ses draps à cette heure-ci.

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Samedi matin

Mauvaise nuit de sommeil. «À 2 h, j'étais réveillé. Comme j'étais incapable de me rendormir, j'ai allumé une cigarette et j'ai réfléchi à mon discours.»

Nerveux? «Non, ce sont les trois bières et ces verres de vin qu'on m'a servis à table, hier soir, qui m'ont mis un peu à l'envers.»

Il pleut des cordes, en cette dernière journée de campagne. Pour le sprint de veille des élections, Richard Bergeron se déplace finalement en voiture. On met d'abord le cap sur le marché Jean-Talon, où Amina serre aussi des mains et s'assure notamment d'aller saluer tous les marchands maghrébins de l'endroit.

«As-tu ta carte de guichet?» demande-t-elle à son mari quand il s'apprête à partir.

«Vous savez, il n'a jamais d'argent sur lui.»

Pause dîner à Notre-Dame-de-Grâce. Surprise : Richard Bergeron, nationaliste au point où sa porte d'entrée est ornée d'un vitrail à fleurs de lys, commande en anglais. À Montréal.

En trois jours, c'est la première fois qu'on le voit serrer des mains. Richard Bergeron le dit d'emblée, cette campagne à la mairie, pour lui, s'est passée entièrement dans les médias. Il a d'ailleurs été suffisamment vu à la télé pour qu'on le reconnaisse enfin assez souvent dans la rue, surtout dans les quartiers de type gauche urbaine à vélo.

En après-midi, Richard Bergeron fera successivement un saut au marché Maisonneuve, au marché Atwater et dans un centre commercial de l'est de la ville, où il s'arrêtera dans une brasserie. «Vous venez nous payer la bière ?» demande un client.

Voûté, manifestement fatigué, Richard Bergeron passe la journée à dire qu'il va par 5%. Tout de même, il ajoute : «Quoi qu'il arrive demain, il vient de se passer quelque chose à Montréal, et l'ascension de notre parti fera l'objet d'analyses dans les cours de sciences politiques.»

La journée se termine chez sa colistière, Nimâ Machouf, la femme d'Amir Khadir, où beaucoup d'enfants se présentent pour l'Halloween. Nimâ Machouf et Richard Bergeron ouvrent ensemble la porte, donnent des bonbons aux enfants et, aux parents, un dépliant de Projet Montréal. Au bout d'une demi-heure, tout d'un coup, Richard Bergeron, épuisé, annonce qu'il s'en va chez lui. En métro.

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Jour d'élections, 1er novembre

La journée sera consacrée à aller rencontrer les militants et à serrer la main de travailleurs d'élections.

À Saint-Laurent, Richard Bergeron se retrouve dans des terres si hostiles qu'une directrice de scrutin lui refuse l'accès au bureau de vote. La loi reconnaît ce droit aux candidats, mais le problème, c'est que la femme, elle, dit ne pas reconnaître Richard Bergeron.

C'est là, à Saint-Laurent, que Richard Bergeron comprendra de visu ce à quoi il fait face: la machine électorale d'Union Montréal. «Il devait y avoir 20 personnes dans le minibus. Je me suis approchée. Personne ne parlait français ou anglais.»

Non que Projet Montréal tourne lui-même le dos à toute stratégie douteuse. Au marché Atwater, un de ses membres a vanté le travail d'un collègue qui a passé «une centaine d'heures à inonder tous les blogues de messages pro-Projet Montréal».

Richard Bergeron ne cache pas que lui et plusieurs membres de son équipe étaient bien verts. À commencer par son attachée de presse, qui raconte en riant qu'elle croyait qu'une rencontre éditoriale était une petite entrevue comme les autres, et non cette rencontre officielle avec toute une équipe d'éditorialistes et de journalistes qui y vont d'une salve de questions pendant près d'une heure.

Or, poursuit Richard Bergeron, «il était 13 h 10 quand j'ai appris, un jour, que j'avais une rencontre éditoriale à The Gazette 20 minutes plus tard. En route vers le journal, j'ai mangé dans la voiture en engueulant mon attachée de presse.»

Les journées sont longues, et les nuits d'autant plus courtes que Richard Bergeron est incapable de ne pas suivre la Série mondiale de baseball.

Difficile, aussi, d'avoir une bonne nuit de sommeil quand on songe trop au lendemain. «La fois où j'étais invité chez René Homier-Roy, je n'ai à peu près pas dormi de la nuit, j'avais trop peur de ne pas me réveiller.»

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À cinq heures des résultats

Richard Bergeron est égal à lui-même. Bavard comme pas un et champion de l'opinion express.

Il est comme cela, trop bavard, et il le sait très bien.

«Une fois, j'ai pris l'avion jusqu'à Paris avec l'ex-sous-ministre Paul St-Jacques. Vingt minutes avant l'atterrissage, il m'a regardé et il a dit: «Tu es très intéressant, Richard, mais si ça ne te dérange pas, j'aimerais vraiment ça avoir 20 minutes de silence avant d'arriver !»

Au bureau du parti à Montréal-Nord, il est comme un poisson dans l'eau. Il évoque ses années d'études, quand il travaillait en même temps comme chauffeur de taxi.

«Au Lac-Saint-Jean, j'avais dit au monde que je serais chauffeur de taxi à Montréal. Personne ne me croyait. J'ai pris une carte, j'ai appris dans l'ordre, par coeur, toutes les rues de Montréal. Le seul problème, c'est que je n'avais pas placé dans ma tête les quartiers les uns par rapport aux autres. C'est dans quelle direction, Laval, donc?»

Photo: Alain Roberge, La Presse

Richard Bergeron se prépare à sortir.

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18 h 30, deux heures avant la fermeture des bureaux de vote

Toute la famille mange de la pizza à la maison. Richard Bergeron a bon appétit. Pour dessert, ce sera une banane saucée dans le Nutella. En tout cas, c'était le plan.

Le voilà réduit à gratter le fond du pot: «Bon, lequel de vous deux a encore vidé le pot et l'a remis dans l'armoire mine de rien?» Demande-t-il à ses deux enfants.

À l'extérieur de la maison, un journaliste à qui une entrevue a été promise attend qu'on le fasse entrer.

«Quoi? Tu le laisses sécher dehors ? Que fais-tu de l'hospitalité marocaine? Fais-le entrer, voyons!»

L'attaché politique dit à son chef que ce n'est pas un crime de finir son souper.

L'entrevue durera plus de 20 minutes. Là, à quelques heures des premiers résultats, Richard Bergeron continue d'être le cauchemar de tout expert en communications. Fidèle à son habitude, il parle trop, démultipliant du coup le risque de mettre les pieds dans le plat. Là, même s'il est à quelques heures de savoir s'il gagne ou s'il perd, il continue de raconter ce qu'il fera le lendemain, à sa première journée comme maire de Montréal.

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22 h

La famille Bergeron a suivi dans l'intimité la soirée électorale. À 22 h, les dés sont jetés. Richard Bergeron récoltera 26% des voix. Il a déjà appelé Gérald Tremblay pour le féliciter, mais pas encore Louise Harel. «C'est encore trop tôt, elle pourrait penser que je la nargue.»

Nous partons à pied vers le Théâtre national, où sont rassemblés les partisans de Projet Montréal.

Chemin faisant, pour la première fois, Richard Bergeron laisse s'installer quelques secondes. Oui, bien sûr, c'est bien, 26%. Oui, bien sûr, Projet Montréal a raflé le Plateau. Mais ce n'est pas la mairie.

On croise en vélo Alex Norris, ex-journaliste à The Gazette et nouveau conseiller de Projet Montréal. Richard Bergeron se lance dans une grande conversation avec lui. Son conseiller politique doit lui rappeler que son parti l'attend au Théâtre national - et quelques caméras aussi.

Amina, la femme de Richard Bergeron, est très déçue, beaucoup plus que lui, du moins en apparence. «Je pensais qu'on ferait mieux.»

Au Théâtre national, l'ambiance est fébrile. Les candidats sont déjà tous sur la scène quand Richard Bergeron les y rejoint. Il improvise son discours et n'oublie rien. Ni de féliciter ses adversaires, ni de remercier Amina, «celle par qui je suis devenu musulman il y a 18 ans, ce qui n'a rien à voir avec le 11 septembre 2001», lance-t-il en manière de clin d'oeil à ses adversaires qui ont tapé fort sur ces clous.

Quelques minutes plus tard, Louise Harel est au bout du fil.

La fête se poursuit, mais les journalistes, eux, repartent un à un.

La campagne est terminée.

Bilan de campagne? Projet Montréal a 15% plus de votes que le lui prédisaient les sondages de départ, Richard Bergeron a 5 kg en moins et a dans sa garde-robe deux complets de plus.

Ses deux premiers complets faits sur mesure.

Photo: Alain Roberge, La Presse

Richard Bergeron devant Radio-Canada.