Le projet de démantèlement de l'autoroute Bonaventure, proposé par la Société du Havre de Montréal (SHM), s'est heurté à un barrage de critiques d'une vigueur inattendue au cours des dernières semaines, lors des audiences organisées par l'Office de consultation publique de Montréal (OCPM).

En plus de révéler l'ampleur de la contestation soulevée par la création du couloir Dalhousie, un couloir de circulation réservé aux autobus dans le secteur de Griffintown, ces audiences ont aussi soulevé des doutes quant au réalisme du vaste projet d'aménagement urbain de 1,5 milliard prévu par la Société au sud du centre-ville de Montréal.

Ce grand projet urbain, le quartier Bonaventure, est intimement lié au démantèlement de l'autoroute du même nom construite pour l'Expo 67, et qui est aujourd'hui considérée comme un obstacle à la mise en valeur des secteurs de Griffintown et du faubourg des Récollets, séparés par l'autoroute.

La SHM propose donc de rabaisser cette autoroute vers le sol, de réduire le nombre de ses voies de circulation, et d'utiliser les espaces dégagés au centre de l'emprise routière pour édifier de grands immeubles résidentiels ou à bureaux, et créer une nouvelle «entrée de ville de prestige» pour la métropole.

Recommandations et critiques

Dans un mémoire rendu public mercredi dernier, la Société d'habitation et de développement de Montréal (SHDM) recommande prudemment à la Société du Havre de «prévoir un échéancier réaliste, compatible avec le marché», avant de lancer la construction de ces immeubles phares du quartier Bonaventure.

Tout en affichant «un parti pris favorable au projet de réaménagement de l'autoroute Bonaventure», la SHDM estime que «les paramètres architecturaux et urbanistiques proposés (usages, hauteurs, densité) et les images saisissantes des constructions projetées demeurent une vision mise de l'avant à titre indicatif» par la Société du Havre, pour promouvoir son projet.

Dans un même ordre d'idées, l'organisme de protection du patrimoine bâti, Héritage Montréal, critique durement le concept présenté par la Société du Havre pour le quartier Bonaventure, en estimant que les retombées fiscales attendues par la Ville de Montréal semblent avoir eu priorité sur les bénéfices à escompter dans les secteurs voisins de Griffintown et du faubourg des Récollets.

«Nous n'avons pas pu comprendre dans les documents de la Société du Havre quelle appréciation elle a pu faire des impacts, positifs comme négatifs, que le projet pourrait avoir sur les secteurs voisins et sur la poursuite des efforts de revitalisation qui y ont été consentis depuis plusieurs années.»

Les responsables de la société Développements McGill, responsables du vaste projet résidentiel M9, en cours de réalisation dans le faubourg des Récollets, ont pour leur part soutenu que certaines caractéristiques du projet de la Société du Havre pourraient entraver la bonne marche de leurs projets, en privant leurs futurs immeubles d'accès essentiels pour les résidants.

Enfin, la chambre de commerce du Montréal métropolitain est d'avis que dans un contexte de resserrement des finances publiques, les coûts de 260 millions estimés pour le réaménagement routier de Bonaventure et la création du couloir Dalhousie sont un «investissement important qui ne se justifie que s'il génère des revenus additionnels».

«À cet égard, note le mémoire, la Chambre se préoccupe du fait que jusqu'à ce jour, aucun partenaire majeur n'ait encore été identifié pour occuper le terrain où devra être érigé l'édifice assurant le caractère distinctif et monumental de la nouvelle entrée de ville», tel que présenté par la Société du Havre.