Le ministère des Transports du Québec (MTQ) envisage, pour une première fois, de retrancher des voies de circulation dans les échangeurs du complexe Turcot pour les convertir en voies réservées aux transports collectifs.

Dans un entretien avec La Presse, le directeur du projet Turcot au MTQ, Alain-Marc Dubé, a affirmé que des études sont actuellement en cours afin de vérifier la faisabilité d'un tel scénario dans certaines parties du complexe où le nombre des voies s'y prête.

 

Dans son projet, le MTQ proposait déjà de créer des voies réservées aux autobus au centre de l'autoroute 20, entre les échangeurs Saint-Pierre et Turcot. Ces voies seraient prolongées vers l'est, jusqu'aux portes du centre-ville, dans le quartier Saint-Henri, en empruntant la nouvelle rue Pullman.

Ces voies réservées avaient toutefois été ajoutées à la dernière minute aux voies de circulation routière déjà prévues dans le même axe. Elles ne faisaient, en somme, qu'occuper le centre de l'emprise routière projetée par le MTQ. Selon le directeur du projet Turcot, le Ministère étudie maintenant l'impact de scénarios «en retrait de voies, plutôt qu'en ajout».

«La différence, a-t-il expliqué, c'est qu'au lieu de créer une nouvelle voie pour les transports collectifs, et de conserver le nombre de voies de circulation sur l'autoroute, on retrancherait une des voies de l'autoroute, au bénéfice des transports en commun.»

Il s'agit d'un virage majeur de la part du MTQ dans la planification de son projet de reconstruction des quatre échangeurs composant le complexe Turcot, qui relient les autoroutes 15 (Décarie), 20 et 720 (Ville-Marie), dans le sud-ouest de Montréal.

En mai 2009, lors des consultations du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE), plusieurs représentants du MTQ avaient longuement insisté sur la nécessité de maintenir la capacité routière des échangeurs actuels en raison, notamment, de l'importance stratégique du carrefour autoroutier pour l'économie de la métropole.

En réponse aux demandes formulées par de nombreux groupes d'intérêts ou d'organismes citoyens, une économiste du MTQ, Geneviève Côté, avait alors expliqué la position du Ministère.

«L'idée, avait-elle dit, c'est d'offrir des alternatives à l'automobile, mais non pas de rendre les transports en commun plus concurrentiels en diminuant l'attrait de l'automobile, parce qu'en fait, tout le monde paierait. Tout le monde paierait en perte de temps. C'est donc de rendre les transports en commun meilleurs ou plus performants, par rapport à l'automobile, qui est l'approche gouvernementale.»

Cette «approche» avait toutefois été clairement rejetée dans plusieurs des mémoires déposés lors des audiences. Du nombre, moins d'une dizaine étaient favorables au projet du MTQ.

La Ville de Montréal s'est notamment opposée au projet de reconstruction proposé par le MTQ en réclamant l'établissement d'un «réseau métropolitain de voies réservées aux transports collectifs et au covoiturage».

Dans son rapport rendu public en novembre, le BAPE a renvoyé le MTQ à sa planche à dessin, en reconnaissant tout de même l'approche du Ministère quant au maintien des voies de circulation automobile de son réseau.

Dans ce contexte, la décision du MTQ d'évaluer des scénarios qu'il rejetait clairement il y a moins d'un an relève d'une concession majeure du Ministère au mouvement d'opinion militant en faveur de la réduction du trafic automobile dans la métropole.

En entrevue à La Presse, M. Dubé a tenu à réduire les attentes face à ce virage, en précisant notamment que les conversions de voies routières en faveur des transports collectifs ne seront possibles que dans les bretelles de l'échangeur qui comptent plus de deux voies.

«Ce qu'on est en train de faire, a-t-il précisé, c'est d'explorer cette possibilité. Si on retranche une voie, quel impact ça aura sur le réseau, en termes de congestion dans ce secteur-là? Il faut analyser aussi l'impact en termes de sécurité.»

Cette ouverture du MTQ, évoquée en marge d'une conférence publique, la semaine dernière, a été qualifiée d'«extrêmement encourageante» par une porte-parole du Conseil régional de l'environnement de Montréal, Leila Copti, jointe par La Presse la semaine dernière.