Le conseil municipal de Montréal a adopté hier matin, par 35 voix contre 22, la modification au règlement de zonage qui permettra la transformation de la maison mère des soeurs des Saints-Noms-de-Jésus-et-de-Marie en appartements de luxe.

En dépit des nombreux appels lancés par les conseillers de l'opposition pour reporter de 100 jours la décision, les membres d'Union Montréal, le parti du maire Tremblay, ont accepté de faire passer le zonage d'institutionnel à résidentiel.

Le groupe Catania pourra donc aller de l'avant dans l'aménagement de 135 appartements de luxe dans l'ancien couvent du 1420, boulevard Mont-Royal, qu'il a payé 21 millions.

Membre du comité exécutif mais opposé au projet, le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, a quitté la salle au moment du vote, qui s'est déroulé juste avant midi.

L'un des derniers membres du conseil municipal à prendre la parole, M. Bergeron a déclaré: «Nous sommes en train de faillir à notre responsabilité dans ce dossier», non seulement en raison du déficit patrimonial qui en résulte, mais parce que le projet ne s'adresse qu'aux personnes fortunées.

Pesant bien ses mots, M. Bergeron s'est aussi questionné sur le promoteur du projet, qui ne serait pas «au-dessus de tout soupçon». «Jamais je ne voterai pour Frank Catania», a-t-il ajouté à la fin de son intervention. Catania est le promoteur du projet Contrecoeur, dans l'est de l'île, qui a suscité la controverse en raison de la valeur des transactions sur les terrains.

Les opposants au projet estiment que la transformation de l'immeuble va à contre-courant de la vocation d'arrondissement historique et naturel du mont Royal. Selon eux, ce projet ouvre la porte à d'autres métamorphoses d'immeubles institutionnels de grande valeur. On a tour à tour nommé le collège Marianopolis, l'école de musique Vincent-d'Indy et le séminaire de philosophie des sulpiciens.

«Triste jour pour Montréal»

À la sortie de la réunion du conseil, Luc Ferrandez, maire de l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal et membre de Projet Montréal, a exprimé sa déception: «C'est un triste jour pour Montréal et pour le flanc nord du mont Royal, a-t-il déclaré. Nous n'avons pas su nous élever à la hauteur de la mission qu'on nous a conférée.»

Il a décoché des flèches à l'Université de Montréal, qui, après avoir acheté l'édifice en 2003 dans le but d'en faire un pavillon, l'a revendu à Catania après avoir évalué les coûts de réfection à 130 millions.

«Juste de l'autre côté du mont Royal, il y a l'Université McGill qui fait des efforts désespérés pour garder ses immeubles, qui coûtent très cher à entretenir. Elle investit des dizaines de millions dans la préservation et la mise en valeur. On peut faire la même chose du côté du flanc nord.»

De son côté, François Croteau, maire de Rosemont-La Petite-Patrie (Vision Montréal), a déploré que certains membres d'Union Montréal n'aient pas voté selon «leur coeur et leur passion» plutôt que de suivre la ligne de parti. Il visait entre autres la mairesse d'Outremont, Marie Cinq-Mars.

«Ce qu'elle a fait aujourd'hui est contraire à ce que lui ont demandé de nombreux citoyens, a lancé M. Croteau. La réponse de la mairesse, qui représente les citoyens et non Union Montréal, est de voter pour quelque chose d'inacceptable tant pour l'arrondissement d'Outremont que pour l'arrondissement historique du mont Royal. Elle devra supporter les conséquences de son vote.»

D'abord prévue à la séance de lundi soir, la modification au zonage a été retardée en raison d'une guerre de procédure. Le maire Gérald Tremblay a d'abord voulu modifier l'ordre du jour afin de devancer le vote. Cela a soulevé l'ire de l'opposition. Des conseillers ont alors lu des lettres de citoyens opposés au projet afin de retarder le vote. À minuit et quart, le conseil a ajourné ses travaux.