La tenue, lundi prochain à l'UQAM, d'une conférence qui suppose une participation du gouvernement américain aux attentats du 11 septembre suscite un malaise chez certains professeurs, a appris La Presse. L'UQAM a beau n'être que le locateur de la salle de conférence, son nom et sa réputation sont utilisés par les organisateurs pour promouvoir l'événement.

L'organisme World911Truth recevra à l'UQAM lundi Richard Gage et David Ray Griffin, deux critiques américains qui mènent une campagne pour réclamer une enquête «indépendante» sur l'effondrement de trois tours du complexe World Trade Center de New York - les deux tours jumelles et la Tour 7 (voir capsule).

Les hypothèses avancées par ceux qui ont été tantôt qualifiés de Truthers (sorte de «chercheurs de vérité») ou de conspirationnistes ont été maintes fois réfutées par les scientifiques. Leurs propos suscitent aussi la controverse parce qu'ils supposent que le gouvernement de George Bush a fomenté les attaques du 11 septembre 2001.

L'organisateur Jean-François Ranger explique que le choix de l'UQAM pour tenir la conférence ne s'est pas fait par hasard. «L'un des mandats des universités est de créer des débats sociaux sur des enjeux progressifs et peu connus», dit-il.

«On voulait présenter ces enjeux à une base étudiante et avoir accès à une belle salle (...). On est très contents et on remercie publiquement l'UQAM pour son ouverture d'esprit et pour nous permettre de présenter la conférence dans un milieu universitaire.»

Le nom de l'UQAM est bien en évidence sur les affiches et le site web de la conférence. M. Ranger souligne que les conférenciers seront aussi à l'Université de Toronto et à celle d'Ottawa.

Malaise chez les profs

Pour certains professeurs, notamment les spécialistes des États-Unis qui connaissent bien les théories avancées par ces critiques, le nom de l'UQAM ne devrait en aucune façon être lié à la croisade menée par MM. Gage, Griffin et leurs partisans.

Julien Tourreille, chercheur à l'Observatoire des États-Unis à la chaire Raoul-Dandurand, les accuse d'être «intellectuellement malhonnêtes» et les qualifie même de «menteurs, imposteurs et escrocs». «Je trouve dommage de voir accolé le nom de l'UQAM à un tel mouvement, ça ne sert pas la crédibilité d'une institution de recherche qui essaie, sur la place publique, de démontrer qu'elle emploie des gens sérieux.»

Une opinion notamment partagée par Louis Balthazar, coprésident de l'Observatoire. «L'UQAM ne devrait pas prêter son nom à cette organisation.»

«Les gens qui iront à la conférence jugeront de la pertinence de leurs propos», croit le professeur de sciences politiques Frédérick Gagnon. «Sauf que ce genre d'événements attire surtout des gens qui sont déjà convaincus. Y aura-t-il un réel débat?»

Jean-François Ranger n'est pas impressionné par les critiques des professeurs. «Il faut voir d'où vient le financement de la chaire Raoul-Dandurand; il y a notamment Power Corporation (NDLR: propriétaire de La Presse). Ils ont peut-être un point de vue biaisé.»

Salles convoitées

La directrice des relations avec les médias de l'UQAM, Francine Jacques, admet que la décision de louer une salle à World911Truth est discutable. La politique de location des salles de l'université est d'ailleurs en révision pour être plus clairement en accord avec la mission universitaire.

«Il y a certaines choses dont on est certain de ne pas vouloir, et d'autres pour lesquelles c'est plus flou comme c'est le cas ici», dit-elle. Il n'est pas acquis que World911Truth pourra à nouveau présenter une conférence en vertu de la nouvelle politique.

Ce n'est pas la première fois que la location de salles de conférence d'université à des tiers suscite la controverse. Les raéliens ont déjà utilisé des salles de l'Université de Montréal. L'émission Enquête a également révélé en 2008 comment des adeptes de la «biologie totale» présentent leurs conférences dans les universités pour se donner une légitimité.

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Des explosifs combinésaux avions

La Tour 7 était un gratte-ciel de 47 étages du complexe WTC qui n'a pas été heurté par les avions, mais qui a subi de lourds dommages par la chute des débris et les incendies, le 11 septembre 2001. Tandis que les tours jumelles se sont effondrées en matinée, la Tour 7 a disparu vers 17h20, après que les pompiers eurent battu en retraite en raison de sa structure fragilisée.

MM. Gage et Griffin affirment qu'il existe des «preuves de destruction par démolition contrôlée» de ces immeubles: le seul impact des avions et l'incendie alimenté par le carburant n'a pu, selon eux, fragiliser la structure au point de provoquer son effondrement. Selon eux, la destruction des tours a également été causée par des explosifs installés secrètement sur la structure d'acier.