Le vérificateur général de la Ville de Montréal accuse le premier fonctionnaire de Montréal, Louis Roquet, d'avoir remis à l'entreprise TELUS une partie de son rapport avant même que les élus en prennent connaissance.

C'est une «transgression très grave du processus de reddition de comptes», selon Jacques Bergeron, car son enquête visait justement un contrat de téléphonie accordé à la firme.

M. Bergeron doit remettre son rapport annuel au conseil municipal lundi, et c'est à ce moment que, en principe, il doit devenir public. Le directeur général de la Ville, Louis Roquet, l'a toutefois déjà en main.

Sur chaque page du rapport, on peut lire que le document est «confidentiel», que sa distribution est «interdite» et qu'il est «réservé à l'usage exclusif du destinataire», mais M. Roquet a tout de même expédié à TELUS la partie qui la concerne, dénonce le vérificateur général.

«Il s'agit là d'une transgression très grave au processus de reddition de comptes du vérificateur général envers le conseil municipal puisqu'un tiers, concerné par la vérification, a obtenu une information privilégiée avant même que celle-ci ne soit transmise aux élus municipaux», a écrit M. Bergeron dans une lettre au président du conseil municipal, Claude Dauphin.

Le président de TELUS, François Côté, a écrit au vérificateur général, dimanche, pour critiquer son rapport et tenter «de s'immiscer dans le processus de vérification», selon M. Bergeron, qui a envoyé une copie conforme de sa lettre au directeur général de la Sûreté du Québec, Richard Deschênes, ainsi qu'à Louis Roquet.

Des sources informées du contenu du rapport indiquent que Jacques Bergeron a confié à la police des éléments d'information pour qu'elle pousse plus loin l'enquête sur les contrats alloués par la division de l'informatique, des dossiers pour lesquels la Ville a déjà eu des échanges avec la Sûreté du Québec.

« Lorsque le vérificateur général soulève des anomalies ou des problématiques dans son rapport, il n'y a pas à pas à attendre la publication officielle du rapport pour pouvoir agir », a indiqué le directeur des relations professionnelles de la Ville, Jean-Yves Hinse.

Il souligne d'ailleurs que le geste de M. Roquet n'a rien d'illégal, d'autant plus que TELUS est un partenaire d'affaires de la Ville.

Toutefois, insistent nos sources, en dépit des problèmes observés, le vérificateur général ne recommande pas la résiliation du contrat, la solution qu'il avait préconisée l'automne dernier dans le dossier des compteurs d'eau.

On rappelle aussi que des enquêtes internes ont déjà été faites sur certains employés du service informatique, dont certains ont été congédiés et dont un autre fait toujours l'objet d'une enquête par la police.

«Manque de jugement», selon l'opposition

Les conseillers de l'opposition, qui n'ont toujours pas vu le rapport, s'expliquent mal que le directeur général l'ait envoyé à TELUS.

«C'est la première autorité administrative de la Ville qui reçoit un rapport confidentiel et qui le transmet à une partie qui semble incriminée, au point d'ailleurs où la SQ semble être en cause!» a souligné Pierre Lampron, conseiller de Vision Montréal.

«Si un tiers visé par une enquête reçoit des informations avant les autres, il peut agir en conséquence et ça peut lui conférer un avantage commercial ou stratégique indu», a renchéri le conseiller Alex Norris, de Projet Montréal, pour qui M. Roquet a «manqué de jugement».

Joint par La Presse, le président de TELUS Québec, François Côté a reconnu que la Ville avait «transmis de façon confidentielle le rapport du vérificateur». Avare de commentaires, il a annoncé que TELUS fera part de ses réactions au rapport le lendemain de sa divulgation, le 18 mai prochain.

La Presse a révélé en novembre que l'ensemble du réseau téléphonique de la Ville est instable et comporte «un risque de panne majeure», tant l'implantation d'un nouveau système par TELUS est chaotique.

Le vérificateur général enquête sur les lacunes de ce système téléphonique, un contrat de 10 ans d'une valeur de près de 100 millions.