Pour la première fois de son existence, l'Accueil Bonneau fermera ses portes lundi pendant 24 heures. «On veut lancer un cri d'alarme au gouvernement», explique son directeur général, Aubin Boudreau.

L'année dernière, l'organisme a enregistré un déficit de 350 000$, sur un budget de 2,3 millions. Il demande plus d'argent au gouvernement provincial.

En décembre dernier, Québec a déposé un plan d'action interministériel en itinérance, doté d'une enveloppe de 14 millions échelonnés sur trois ans. L'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal (ASSM) n'a pas encore distribué cette somme. L'Accueil s'impatiente.

Il a reçu 150 000$ de Québec l'année dernière. À ce financement récurrent s'ajoutent des sommes non récurrentes de 140 000$ et 75 000$ versées cette année respectivement par Ottawa et par la Ville de Montréal.

L'Accueil Bonneau dit avoir besoin de plus d'argent de la part de Québec. Sa demande: 500 000$ additionnels cette année, auxquels s'ajouteraient 300 000$ d'ici à 2013. Son nouveau financement annuel récurrent s'élèverait alors à 800 000$.

«Ce n'est pas pour augmenter nos services. C'est simplement pour les maintenir», précise M. Boudreau.

La nouvelle somme irait au volet psychosocial de l'Accueil. «On ne nourrit pas seulement des estomacs, ajoute-t-il. On aide aussi les gens à quitter la rue. De 500 à 600 personnes fréquentent notre centre chaque jour. Certains ont d'importants problèmes de santé physique et mentale. On leur sert des repas, on leur offre une douche, des vêtements, des coupes de cheveux et d'autres soins. Mais on leur offre aussi des services d'évaluation et d'orientation, et on les accompagne pour leur apprendre à gérer un budget, pour les aider à se prendre en main.»

Au cours des 133 années d'existence de l'Accueil, les services psychosociaux ont surtout été assurés par les Soeurs grises. La communauté vieillit et ne se renouvelle pas. «Chaque fois qu'une soeur se retire, elle est remplacée par un laïc qui doit être payé, explique M. Boudreau. Ces intervenants ne gagnent pas une fortune, ils gagnent environ 37 000$ par année, mais il faut quand même trouver l'argent pour les payer.»

L'Accueil emploie 16 intervenants psychosociaux. Quand on inclut leurs avantages sociaux, ils coûtent chacun environ 50 000$ par année à leur employeur. Au total, l'Accueil compte 35 employés, en plus de 220 bénévoles adultes réguliers et de 1900 étudiants. Les quatre maisons de l'organisme offrent un logis à long terme à 165 personnes.

Les limite du privé

Environ 90% du budget de l'Accueil provient de financement privé - dons de particuliers, legs testamentaires et dons d'entreprises, provenant entre autres de l'annuel souper homard-vin blanc.

L'année dernière, durant la crise économique, les dons privés ont diminué de 200 000$. La baisse provenait surtout des dons de particuliers. «On essaie autant que possible de se financer dans le privé, mais il y a des limites à ce qu'on peut aller chercher», avance M. Boudreau.

Si Québec accepte la demande de l'Accueil, la proportion de son financement public passerait à 30%. M. Boudreau soutient qu'il serait dans l'intérêt de Québec d'agir ainsi. Selon lui, l'Accueil «fait le travail du gouvernement à une plus petite échelle» en s'occupant des personnes en détresse. «S'ils ne viennent pas chez nous, ils iront à l'hôpital ou ils resteront dans la rue au lieu de pouvoir réintégrer la société. Et ça coûtera plus cher au gouvernement.»

Il se dit désolé des conséquences de la fermeture de 24 heures aujourd'hui. «Mais on va quand même servir un repas à l'extérieur. Nos gens comprennent notre moyen de pression, ils nous appuient complètement.»