Les dirigeants de l'Accueil Bonneau ont rencontré hier des responsables de l'agence de la santé et des services sociaux de Montréal (ASSSM) pour savoir s'ils pourraient obtenir les 800 000$ annuels demandés pour maintenir leurs services psychosociaux.

La rencontre les a déçus. L'ASSSM ne peut pas encore se prononcer sur leur demande de financement. Elle attend de connaître sa part de l'enveloppe de 14 millions, échelonnée sur trois ans, prévue par le Plan d'action interministériel en itinérance annoncé par Québec en décembre dernier. « Comme on ne sait pas encore quel montant on pourra distribuer, on ne peut se prononcer sur le cas de l'Accueil Bonneau «, explique Geneviève Bettez, agente d'information à l'ASSSM. Elle ignore quand la répartition des sommes sera annoncée.

 

L'année dernière, l'Accueil a enregistré un déficit de 350 000$, sur un budget de 2,3 millions. Ses dirigeants disent avoir besoin de 800 000$ pour simplement maintenir le volet d'aide psychosociale. Ce manque à gagner vient surtout du départ des Soeurs grises. Seules six d'entre elles travaillent encore à l'Accueil, dont cinq ont plus de 70 ans. Or, ces religieuses ne demandaient pas de salaire. On doit les remplacer par des intervenants laïques qui gagnent environ 37 000$ par année.

Pour alerter la population, l'organisme a interrompu ses services hier pour 24 heures. «Le public, lui, a été très généreux, indique Aubin Boudreau, directeur général de l'Accueil. Plusieurs personnes et quelques entreprises ont appelé pour nous offrir leur aide.» M. Boudreau n'était pas en mesure de quantifier ces nouveaux dons. L'Accueil aurait en outre reçu le soutien de la chambre de commerce du Montréal métropolitain et d'un conseiller de Pauline Marois.

Près de 90% du financement de l'Accueil vient de dons privés. L'organisme reçoit aussi annuellement 150 000$ de Québec. L'année dernière, il comptait aussi sur des subventions non récurrentes de 140 000$ et 75 000$ versées respectivement par Ottawa et par Montréal.

En 2009, l'Accueil Bonneau a offert 325 000 repas, 50 000 vêtements, 1000 coupes de cheveux et 5000 douches. À cette aide s'ajoute son volet psychosocial qui comprend l'évaluation et l'orientation des personnes atteintes de maladies physiques et mentales ou des gens simplement dans le besoin.

L'histoire de Robert

«C'est la première fois en 133 ans d'existence que l'Accueil ferme ses portes», s'inquiète Robert (dont nous taisons le nom de famille à sa demande). Assis dans la salle vide de l'Accueil, il raconte comment l'organisme l'a «sauvé» il y a 10 ans.

«La multinationale où je travaillais a fermé et j'ai divorcé. J'étais dépressif, dans la rue. J'avais faim, je cherchais un endroit où dormir. J'avais trop honte pour quêter, j'allais seulement demander de la bouffe dans les sous-sols d'église. Puis j'ai cogné à l'Accueil.»

L'organisme l'a relogé il y a quelques années à sa maison Joseph-Vincent, un établissement de 49 lits du Vieux-Montréal. Robert y vit et y occupe le poste de concierge.

«Mais pour vivre, j'ai besoin de mes chèques de B.S., dit-il. L'Accueil m'aide à les gérer. Avec notre passé, un chèque, ça s'envole vite. Alors je peux faire des retraits le lundi, le mercredi et le vendredi. Il y a aussi quelqu'un pour m'aider avec mes impôts. Moi, j'ai arrêté l'école en troisième année, je sais seulement un peu écrire.»

Le volet psychosocial a été élaboré dans les années 70 entre autres par Monique Picard, une Soeur grise de 76 ans. «Les défis ont augmenté, dit-elle. Il y a de plus en plus de jeunes, et de plus en plus de cas violents. La drogue peu chère se trouve plus facilement aujourd'hui», explique la diplômée en théologie et en criminologie. Les statistiques lui donnent raison: en 1998, l'âge moyen des sans-abri fréquentant les refuges de Montréal était de 55 ans; en 2008, il était de 37 ans.

Soeur Picard s'occupe maintenant du recrutement des bénévoles, aujourd'hui au nombre de 220, contre 35 employés réguliers.

* * *

 

Saviez-vous que...

600

De 500 à 600 personnes visitent l'Accueil Bonneau chaque jour

2,3 millions

Budget annuel de l'Accueil Bonneau. L'organisme a fait un déficit de 350 000$ l'année dernière.

37 ans

Âge moyen des sans-abri qui fréquentaient les refuges de Montréal en 2008. Il y a 10 ans, il était de 55 ans.

28 000 personnes

Nombre d'utilisateurs des ressources pour sans-abri en 1997 à Montréal selon le dernier recensement.

8 millions (environ)

Budget annuel de l'Initiative de partenariats de lutte à l'itinérance. La Ville de Montréal et le Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes estiment qu'il leur faudrait plutôt 21 millions.

14 millions

Budget, échelonné sur trois ans, du Plan d'action en matière d'itinérance. Le plan a reçu un accueil tiède des organismes communautaires.