Oublié, le hockey. Deux jours après la fin des séries éliminatoires, les Montréalais fêtaient le retour du Grand Prix et le début de la non moins attendue Coupe du monde de soccer.

Privé de Grand Prix l'an dernier, Montréal n'a pas eu de mal à repasser en mode Formule 1. Au centre-ville, les rues Peel et Crescent ont été fermées à la circulation afin d'accueillir des touristes. Fabricants de voitures, de téléphones cellulaires et de boissons alcoolisées essaient, aux côtés des restaurants, d'attirer le passant.

 

«C'est vraiment un gros week-end», se félicitent deux des jeunes hôtesses recrutées par l'une de ces compagnies. Tous attributs dehors, sourire accroché aux lèvres, les deux jeunes femmes se laissent prendre en photos avec les passants. À quelques mètres de là, c'est la serveuse d'un restaurant qui pose, enjôleuse, avec un magnum de champagne.

Polo vert pour lui, fuchsia pour elle, shorts en coton et petits mocassins pour les deux: Karen et Brant Finnegan ne correspondent pas au stéréotype de l'amateur de Formule 1. Et pourtant, c'est le circuit Gilles-Villeneuve qui a attiré ce couple de Boston jusqu'à Montréal.

«C'est notre premier Grand Prix, mais on nous a vraiment dit que c'était super», dit Karen. Son conjoint renchérit: «C'est simple: c'est le plus gros week-end au Canada!» Entre les tours de piste dans l'île Notre-Dame, le couple s'est fixé un objectif assez simple: manger au restaurant.

Le retour des voitures rugissantes signifie-t-il pour autant le retour des bonnes affaires? Dans le nouveau restaurant Camp, rue Crescent, on admet avoir connu des débuts décevants, jeudi soir. La clientèle du Grand Prix peut se montrer imprévisible, selon la directrice générale de l'établissement, Nadège Maignan. «C'est tout ou rien! Il y en a qui ouvrent leur portefeuille alors que d'autres sirotent leur bière pendant deux heures», dit-elle.

C'est aussi l'avis de Cyril The Spoonman. Le joueur de cuillère à bois qui officie rue Sainte-Catherine a beau décorer son parasol de drapeaux Ferrari, les retombées économiques du Grand Prix ne l'atteignent pas trop. «Franchement, c'est bien ordinaire», dit-il, avec une gouaille toute française.

Pendant ce temps-là, sur le Plateau

Non loin du centre-ville, sur le Plateau, les fans de l'équipe de France ont rempli, hier en début d'après-midi, comme à leur habitude, le bar L'Barouf rue Saint-Denis, pour suivre le match qui opposait les Bleus à l'Uruguay.

Bérets, drapeaux bleu-blanc-rouge ou, plus modestement, t-shirts siglés FFF (Fédération française de football) se portaient avec enthousiasme parmi les clients du repère des Français de Montréal. Avant le début du match, l'issue de cette première rencontre ne faisait pour certains aucun doute.

«Pour moi, la France va gagner 1-0», prévoyait Guillaume Belisle, 24 ans. Une prévision aussitôt taclée par son ami, fervent supporter de l'équipe de France lui aussi: «Toi, t'es aveugle!» «Ils ont un bon style, des bons joueurs: on peut impressionner», veut croire son ami.

La bonne humeur de Nicolas Deffins, Français de 27 ans drapé dans le drapeau tricolore, n'a pas été entamée non plus par la saison maussade des Bleus. «Le principal, c'est d'être qualifié. Il y a juste eu un problème avec le sélectionneur, mais maintenant, ce n'est plus le temps des critiques», dit-il, en référence à Raymond Domenech qui, à chaque apparition télévisée, s'attirait quelques sifflets bien sentis.

Le spectacle des Français et Québécois venus soutenir la France attire les curieux tout autant que le match lui-même. «J'aime voir les supporters de la France», glisse Daniel, un Mexicain portant le drapeau de son pays. Roger, Québécois d'origine anglaise, pourrait faire défection en faveur d'un autre bar. «C'est certain que pour l'Angleterre, je vais aller au Burgundy Lion», dit-il.