Après un an d'absence, les retrouvailles de Montréal avec la Formule 1 ont créé un week-end «inoubliable», selon les restaurateurs. Ce ne sont pas seulement les voitures de course qui ont fait leur retour dans l'île, mais la clientèle clinquante qui les accompagne. Hier, les premières estimations des retombées économiques de la fin de semaine étaient des plus optimistes.

À lui seul, le Grand Prix du Canada justifie bien des excès. Venu de Sudbury, en Ontario, avec pas moins de 17 amis, Dave Simon, un traiteur de 32 ans, le confirme: le Grand Prix, «c'est le moment de s'amuser. Et c'est clair que ça devient fou», dit-il.

Restaurants, boîtes de nuit, chambres d'hôtel: le jeune homme et ses amis, qui ont affrété deux avions privés pour l'occasion, n'ont pas reculé devant la dépense, bouteilles de champagne comprises. «C'est sûr que ça peut revenir cher», dit Simon qui, pudiquement, se refuse à une estimation chiffrée.

Enthousiastes, les touristes de la Formule 1? C'est bien ce que croit David Tanguay, directeur général du Complexe Newtown, un restaurant-boîte en vue de la rue Crescent. «Je n'ai jamais vu ça, une clientèle qui dépense comme ça», dit celui qui en est pourtant à son neuvième Grand Prix.

Le temps d'un week-end, et même avec des prix gonflés, certains clients s'autorisent tous les excès. M. Tanguay nous montre la facture d'un groupe qui, samedi soir, a dépensé près de 10 000$ pour son souper. Fait inhabituel, les clients flamboyants ne sont plus seulement européens ou américains, mais souvent québécois, selon lui.

«Il y avait beaucoup de Montréalais: je dirais 80% de nos clients étaient d'ici», explique aussi Alain Creton, propriétaire de l'emblématique brasserie française Chez Alexandre. La rue Peel, qui organisait son premier festival à l'occasion du Grand Prix cette année, a elle aussi profité de l'enthousiasme que génère la Formule 1.

«En 2009, on avait perdu des revenus supplémentaires de 110 000$. Cette année, on devrait presque doubler cette somme pour le week-end», calcule M. Creton. Ses clients sont venus à bout samedi de la réserve de 80 magnums de champagne prévus pour la fin de semaine (450$ la bouteille) en plus de consommer 300 bouteilles de champagne régulières.

Le restaurateur se félicite aussi d'avoir vendu deux bouteilles de Petrus: le vin le plus cher du monde se négocie à 1500$ la bouteille. L'autre record du week-end revient à une table de gens d'affaires de Montréal qui a liquidé 17 bouteilles de Cheval Blanc, un vin vendu 750$ la bouteille.

Fermées à la circulation, les rues Peel et Crescent n'ont pas été les seules à profiter des bonnes grâces des touristes et fans de F1. Du côté des bars et restaurants de l'hôtel Opus, au coin du boulevard Saint-Laurent et de la rue Sherbrooke, on affichait complet tout le week-end. Certaines célébrités (dont l'un des membres de la distribution de l'émission de téléréalité américaine The Hills et un chanteur de R'n'B) se sont jointes aux clients.

Dans le Vieux-Montréal, les propriétaires de bars et de restaurants essaient eux aussi de profiter de la manne touristique. «Normalement, le Vieux-Port, ce n'est pas très Grand Prix, mais on a eu de gros événements. C'était fou», dit Dave Bernier, propriétaire du Café des Éclusiers et du restaurant La Grange.

 

Petit boom

«Le Grand Prix est la manifestation touristique qui a les plus importantes retombées économiques non seulement au Québec, mais aussi au Canada», indique Romain Roult, chercheur du Groupe de recherche sur les espaces festifs de l'UQAM.

Selon lui, les retombées devraient être particulièrement importantes cette année. En 2008, elles se sont élevées à 75 millions. Il est encore trop tôt pour obtenir les chiffres de 2010. Mais M. Roult prévoit que les retombées seront de 80 à 100 millions. «Avec la perte du Grand Prix en 2008, il y a eu une rareté de l'offre. Cela semble avoir augmenté l'intérêt cette année. On prévoit donc un petit boom.»

Pierre Bellerose, vice-président de Tourisme Montréal, est lui aussi optimiste. Il estime que les chiffres de 2008 seront au moins égalés, et peut-être surpassés. La course a encore été présentée à guichets fermés. Mais la proportion d'étrangers a augmenté, indique-t-il. «Selon les informations que nous avons actuellement, il y a eu plus de vente de billets hors du Canada cette année.»

Le taux d'occupation des hôtels était d'environ 95% durant le Grand Prix de 2008. M. Bellerose prévoit que la proportion restera la même, et ce, même si 1500 nouvelles chambres ont été construites depuis. «C'était plein à peu près partout durant les cinq jours», observe-t-il.

Les hôteliers ne s'en plaindront pas. L'année dernière, sans Grand Prix et en pleine récession, le taux d'occupation moyen pour l'ensemble de l'année a chuté à 60%. Il est habituellement de 65%.

Photo: Miguel Legault, collaboration spéciale

Les clients de l'emblématique brasserie française Chez Alexandre sont venus à bout samedi de la réserve de 80 magnums de champagne prévus pour la fin de semaine (450$ la bouteille), en plus de consommer 300 bouteilles de champagne régulières, ce qui a évidemment ravi le propriétaire, Alain Creton (ci-dessus).