Coup de théâtre dans la «guerre des navettes»: jusque-là isolé, Aéroports de Montréal (ADM) a obtenu hier matin des appuis de taille dans sa croisade pour une navette ferroviaire qui s'arrêterait à la Gare centrale. Coup sur coup, la Ville de Montréal, la Société de transport de Montréal et la chambre de commerce du Montréal métropolitain ont déclaré privilégier son projet plutôt que celui de l'Agence métropolitaine de transport (AMT).

Celle-ci veut emprunter de façon «dédiée» les voies des trains de banlieue jusqu'à la gare Lucien-L'Allier, pour réaliser cette navette dont la mise sur pied est évoquée depuis 2001. Par un ironique retour des choses, c'est donc maintenant l'AMT qui est isolée. Le mois dernier, le président d'ADM, James Cherry, avait surpris tous ses partenaires en présentant son projet de navette baptisée Aérotrain qui s'arrêterait à la Gare centrale, une condition sine qua non à la réalisation du projet: «Il n'est pas question d'arriver à une autre gare que la Gare centrale de Montréal», avait-il averti. Ce projet en PPP était évalué à 600 millions de dollars et serait financé à parts égales par Québec, Ottawa et le secteur privé. Il relierait l'aéroport au centre-ville en 20 minutes, de 4h à minuit.

En choisissant le tracé d'ADM, «ce n'est pas tant l'AMT qu'on laisse tomber que le projet de desserte de l'ouest de Montréal en transport collectif», affirme Martine Rouette, porte-parole de l'AMT. Le trajet proposé par son organisme est plus économique et offre un service de train de banlieue amélioré en plus de concrétiser le projet de navette aéroportuaire, assure-t-elle. «Ce sera maintenant aux autres parties qui vont financer le projet, les gouvernements provincial et fédéral, de se prononcer, ce qu'elles n'ont pas encore fait.»

Un des partenaires majeurs, le ministère des Transports du Québec, a quant à lui refusé de trancher. «Ce qu'on souhaite, c'est une entente entre ADM et l'AMT sur un projet qui tienne compte de la desserte de l'Ouest-de-l'Île», a déclaré Jolyane Pronovost, attachée de presse de la ministre Julie Boulet. Ne s'agit-il pas là d'un appui implicite au trajet de l'AMT? «L'un n'exclut pas l'autre», a dit Mme Pronovost.

Du côté d'Aéroports de Montréal, la porte-parole, Christiane Beaulieu, assure que le «trajet hybride» qu'on propose desservira également l'Ouest-de-l'Île. «On se donne du poumon pour grandir et mieux desservir l'Ouest. Notre trajet offre beaucoup plus de possibilités pour les 20, 30 prochaines années.»

Par voie de communiqué, le maire Gérald Tremblay a affirmé hier matin que «le choix de la Gare centrale fait l'objet d'un large consensus», notamment auprès des usagers, de la Communauté métropolitaine de Montréal, des gens d'affaires et de l'industrie touristique. La Gare centrale, à ses yeux, présente de «nets avantages», puisqu'elle est reliée directement au métro, aux lignes de trains de banlieue et au réseau piétonnier souterrain, tout en étant située au coeur du quartier des affaires. On ne laisse «pas du tout» tomber l'AMT, a précisé en entrevue le porte-parole du comité exécutif de la Ville, Bernard Larin: «C'est un cheminement qui se fait depuis plusieurs mois. ADM avait été mandaté pour examiner cette question, il y a eu des études. Pour nous, la Gare centrale, ça va de soi.»

Le trajet le plus rentable

La STM a renchéri quelques minutes plus tard en déclarant que la Gare centrale offre «un point d'ancrage beaucoup plus pertinent» pour les voyageurs. Dans son communiqué, elle note que la gare est proche du boulevard René-Lévesque, un axe très passant où circulent une dizaine de lignes d'autobus et où se trouvent plusieurs grands hôtels.

Pour la chambre de commerce, «aucun doute»: le tracé proposé par ADM est la meilleure des deux options. «La chambre appuie le projet qui sera le plus rentable, le plus achalandé et le plus susceptible de démarrer rapidement», a précisé par communiqué Michel Leblanc, président et chef de la direction de la chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Selon une étude réalisée par PricewaterhouseCoopers, un projet comme celui d'Aéroports de Montréal coûterait 1,1 milliard. Celui que désire l'AMT coûterait, lui, 314 millions de moins, soit 786 millions. ADM avait cependant contesté cette évaluation, qui ne tenait pas compte de la facture de 300 millions pour adapter la gare Lucien-L'Allier aux besoins de la navette. Dans son dernier budget, le gouvernement du Québec a réservé 200 millions pour réaliser la navette ferroviaire. Ottawa n'a toujours pas confirmé sa participation.